Ce n’est pas le capitalisme qu’il faut craindre, mais ses ennemis. En France, les antilibéraux s’autocongratulent tandis que certains, dans leurs rangs, prophétisent la fin d’un monde qu’ils détestent: l’Occident, ses démocraties, ses réussites. Tous disent que la crise force à inventer autre chose. Ils écoutent Olivier Besancenot et son Nouveau Parti anticapitaliste: le PS trouve que le postier exagère quand il défend Jean-Marc Rouillan, qui a tué pour la cause et qui ne renie rien. Mais les socialistes se gardent bien de diaboliser l’extrême-gauche. En effet, les temps sont dangereux…
 Le procès du capitalisme financier, qui trouve ses procureurs jusque chez la droite honteuse, fait le bonheur des interventionnistes de la vieille école et des contempteurs du profit. Dans un parallèle poussif, de faux arbitres renvoient même dos à dos les échecs du communisme et du capitalisme, en oubliant les millions de morts de l’un, les millions de pauvres sortis de leur condition de l’autre. Quand le gentil Nicolas Hulot déclare: « Le capitalisme est obsolète », il fait mode. Mais il parle comme les idéologues de la table rase.
Les enfants de Robespierre se croient rappelés par l’histoire. « Nous assistons à une agonie du système libéral », répète Benoît Hamon, candidat à la direction du PS. Cet été, son camarade Jean-Luc Mélenchon avait commenté la mort d’Alexandre Soljenitsyne en qualifiant « d’inepte griot de l’anticommunisme officiel » le combattant du totalitarisme, admirateur de la révolte vendéenne de 1793 (voir mon blog). La gauche dure ressort ses pics. Les ténors socialistes n’y trouvent rien à redire.
L’antiaméricanisme fait le reste, aimantant ceux qui font porter sur les États-Unis, leurs banquiers et leurs alliés les malheurs du monde. Le Hamas, écouté dans les cités, accuse le « lobby juif  » d’être responsable du crack. D’autres vantent la finance islamique. « Revendre des créances, les racheter, les revendre : ce genre de montages n’est pas accepté », souligne cette semaine l’École de management de Strasbourg, qui ouvre un diplôme pour gérer des fonds musulmans. Un récent rapport du Sénat y va aussi de son éloge pour cette économie.
Tel est le terreau de l’anticapitalisme occidental, sur lequel s’épanouit un radicalisme qui mise sur la crise sociale et la défiance des gens. Or, l’hystérie antilibérale est telle aujourd’hui, y compris chez des démocrates qui persistent à nier la faillite de l’ «  État mama », qu’elle conforte un discours régressif, négationniste, violent. Le capitalisme n’est pas parfait, pour sûr. Mais le renier serait nous renier.
« Ils sont là, les socialos ! » Non seulement le capitalisme financier est utile, mais il va financer par souscriptions une partie des 700 milliards de dollars du plan de relance des États-Unis. Il ne peut être dissocié du libre-échange, bien que d’évidentes réformes techniques et éthiques sont à faire. Il est bien sûr inexcusable d’avoir laissé un système délivrer des prêts à des ménages insolvables. Mais l’économie de marché ne se reconnaît pas dans cette politique démagogique. Le capitalisme peut vite se corriger d’une crise qui l’affaiblit.
Il ne faut rien taire des tares du système anglo-saxon, tel que la chancelière allemande Angela Merkel l’a désigné en fustigeant « l’appât du gain, la spéculation et le mauvais management  ». Benoît XVI ne dit pas autre chose quand il s’en prend à l’argent roi. La mobilisation du Medef contre les « parachutes dorés » illustre les limites qu’admet une économie de marché. D’autres interdits sont possibles, sans remettre en cause le capitalisme et son acceptation du risque. Les nationalisations partielles et provisoires des plus grandes banques britanniques relèvent d’une urgence plus que d’une révolution.
C’est sur ce terrain du libéralisme régulé que la gauche moderne devrait venir, plutôt que de chercher à plaire à des extrêmes qui veulent la subvertir. « Si la France veut retrouver – « libérer » – la croissance, elle doit accepter de réduire son État-providence et de limiter la redistribution », écrivent (Le Monde, mercredi) les responsables du think-tank de gauche, Terra Nova. Mais le PS est loin de cette mutation quand Martine Aubry déclame : « Ils sont là, les socialos !  » ou quand François Hollande se frotte les mains: «  Ce qui s’effondre, c’est le libéralisme économique. »
 Conjurer le nationalisme Si les progressistes feraient bien de s’éloigner des nostalgiques des comités de salut public et du tout-État, qui ont trouvé gîte au PS, la droite, elle, devrait conjurer le réveil du nationalisme, tel qu’il s’exprime avec Marine Le Pen. Lundi, la vice-présidente du FN s’est félicitée du fiasco du dernier « G 4 » : « C’est le retour des nations (…) Il faut faire le constat de l’échec de l’Union européenne. » Certes, l’Europe ne s’est pas montrée performante dans cette pagaille bancaire du sauve-qui-peut. Mais ce spectacle du chacun pour soi n’est-il pas devenu le meilleur argument pour une future coordination protectrice ? La crise pourrait bien accélérer la construction d’une Europe des nations, enfin utile.
Obama, gonflé John McCain, victime de la crise? Barack Obama, pourtant soutenu financièrement par Wall Street (dont la banque Goldman Sachs) mais aussi, initialement, par Fannie Mae et Freddie Mac (d’où est partie l’étincelle du subprime), s’est habilement fait le pourfendeur, mercredi face à son adversaire, de la « déréglementation du système financier ». Gonflé, mais peut-être payant…

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