L’exaspération populaire a remporté une victoire qui fera date contre la pensée bétonnée. À rebours des pronostics et interdits, la décision des Suisses de refuser chez eux (à 57,5 %) de futurs minarets a révélé, en réaction, l’ampleur du mépris des élites. Depuis dimanche, médias et politiques se succèdent, dans un touchant entre-soi, pour dénoncer « le vote de la honte » (Libération), « une intolérance » (Bernard Kouchner), « un facteur de populisme » (Hervé Morin), « une tentation fascisante » (Daniel Cohn-Bendit), etc. Ces rejets d’un choix démocratique exemplaire signent l’abus de pouvoir d’une oligarchie spectaculairement minoritaire.
Les opposants à la Constitution européenne avaient déjà essuyé, en France, en 2005, les oukases et les insultes de la caste, avant de l’envoyer paître (à 55 %). C’est une même résistance aux arrogances des puissants qui s’est exprimée, au cœur du pays de la tolérance entre communautés culturelles et linguistiques. Observer la pacifique et prudente Suisse braver, outre les sermonneurs du politiquement correct, les intimidations de l’islam politique laisse deviner la colère de ce peuple tranquille. L’opinion européenne n’est sans doute pas loin d’en être solidaire.
Les Suisses ne sont ni racistes, ni islamophobes, ni extrémistes, comme l’assènent ces néolaïcs qui les accusent avec les mêmes mots que Kadhafi et consorts. Le Conseil de l’Europe, indifférent aux persécutions des Chrétiens en terre d’islam, dénonce, tel un converti, « une discrimination envers les musulmans ». Les Suisses ne violent pas davantage les droits de l’homme, ni n’entravent la liberté religieuse, comme l’estime un Vatican accommodant. Ils demandent simplement à ceux qui les rejoignent de respecter leur identité. Un drame ?
Le scandale est que ce vote fasse scandale. L’islam n’a pas besoin de signes extérieurs ostensibles pour exister. D’autant qu’un minaret n’est pas une obligation coranique (la mosquée de Jérusalem n’en a pas). En interdire l’édification ne porte donc pas atteinte à l’islam, comme le font croire les radicaux, qui mettent à l’épreuve les capacités de défense des démocraties. L’empressement de dirigeants et de commentateurs à renier un vote démocratique au profit de procès à l’emporte-pièce a donné l’affligeant spectacle de responsables prêts à capituler au nom de l’apaisement. Pour avoir corrigé cette honte, bravo au courage suisse.
« Les minarets, nos baïonnettes »
Est-il inconcevable d’attendre de l’islam qu’il s’adapte à l’identité de ses hôtes européens, aux racines chrétiennes du Vieux Continent, à la laïcité ? Bien des musulmans modérés reconnaissent, à l’instar de l’iman de Bordeaux, Tareq Oubrou, qu’un minaret « n’est absolument pas nécessaire en France ; il est même déplacé ». L’intellectuel musulman Abdelwahad Meddeb prône « l’invention » de mosquées européennes à l’image de ce que devrait être un islam vécu dans l’intimité de chacun (voir mon blog ). Pourquoi dès lors cet unanimisme pour critiquer, à la suite de Tariq Ramadan et de ses prosélytes, l’interdiction de ces architectures inutiles qui entendent, par leur visibilité recherchée, rappeler la place toujours plus grande que veut prendre l’islam politique. Oui, burqas et minarets peuvent être compris comme les premières affirmations d’une conquête.
Que la dramatisation et la contestation de ce vote soient d’abord venues d’élites occidentales souligne surtout leur état de soumission à l’idéologie coranique pour laquelle ils montrent tant d’égards, sans souci de réciprocité. Cohn-Bendit a été, mercredi, jusqu’à demander que « les plus riches des pays musulmans retirent leur argent des banques suisses ». Un argument repris par la Turquie de l' »islamiste modéré » Recep Tayyip Erdogan, qui veut faire entrer son pays dans l’Europe. « Les mosquées sont nos casernes, les minarets sont nos baïonnettes », chantait-il naguère. Pour lui, la Suisse est coupable d’islamophobie : « Un crime contre l’humanité », dit-il. Voilà ce que cautionnent nos donneurs de leçons, indifférents de surcroît aux dérives totalitaires de l’islamisme.
Rejet du modèle multiculturel Pas de meilleur exemple, en tout cas, que cette votation pour illustrer le débat sur l’identité nationale. Nicolas Sarkozy en a bien résumé l’enjeu, mardi, en décrivant l’issue du référendum comme « l’illustration que les gens, en Suisse comme en France, ne veulent pas que leur pays change, qu’il soit dénaturé. Ils veulent garder leur identité. Les Français ne veulent pas voir des femmes en burqa dans la rue, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont hostiles à la pratique de l’islam. » Le soutien populaire qui, en France, sur les forums de discussion d’Internet, a répondu au choix des Suisses confirme l’analyse du chef de l’État. En tirera-t-il les conséquences ?
Les gens rejettent le modèle multiculturel qui voudrait que même l’étranger, mot suspect pour les universalistes, soit partout chez lui. Or ce choix de société n’est jamais loin des couronnes élyséennes tressées à la diversité et au métissage des cultures. Ces concepts galvaudés permettent de justifier minarets, burqas, voiles et autres particularismes qui accompagnent depuis trente ans une immigration de peuplement de plus en plus tentée de se comporter dans l’indifférence des règles du pays d’accueil. « Ce vote doit interpeller les musulmans », a admis Mohammed Moussaoui , président du Conseil français du culte musulman. Accepteront-ils de corriger, au-delà de nombreuses intégrations réussies, l’image collective qu’ils sont en train de donner d’eux-mêmes ?
S’abonner
0 Commentaires
le plus récent