L’unanimisme de l’obamania ne peut répondre à la diversité des désastres qui s’additionnent. L’idolâtrie de la pensée unique, qui a atteint des sommets cette semaine, se persuade que Barack H. Obama va changer le monde. Mais ces naïvetés, auxquelles Nicolas Sarkozy porte crédit, ne font que renouer avec les fictions qui s’écroulent, actuellement, sous le poids du réel. L’une après l’autre, éclatent les bulles nées de constructions chimériques. Aussi est-il paradoxal d’observer cet engouement pour la pensée magique.
 Les médias, qui ont fait un héros du pilote de l’Airbus qui a amerri sur l’Hudson River, à New York, en sont presque à laisser penser que le nouveau messie pourrait aussi marcher sur l’eau. Il faut éplucher les commentaires pour y débusquer le rassurant esprit critique d’une démocratie équilibrée. Bien rares ont été, par exemple, les réserves sur le vide du slogan présidentiel, « Yes we can », qui ne dit pas davantage qu’ « abracadabra ». Faut-il croire que des lapins sortiront du chapeau d’Obama?
Le nouveau président, avocat de formation, croit en la magie des mots. Mardi, il a su une nouvelle fois galvaniser les foules en portant l’idéal du « rêve américain », de son « style de vie » et de ses valeurs. Ces aspirations patriotiques pourraient d’ailleurs servir de modèle à ceux qui n’osent même plus parler de « peuple français ». Mais cette incarnation du Bien, ainsi présentée par les commentateurs qui n’ont cessé de ridiculiser George W. Bush pour son manichéisme, pousse à l’infantilisation des esprits.
Le panurgisme se dissimule derrière ce culte de la personnalité. Les credo contredisent le besoin de se délivrer des dogmes et du prêt-à-penser à l’origine des crises. Même la société postraciale et métissée, que veut symboliser le 44e président, ne correspond pas aux réalités: un rapport révèle, ces jours-ci, le constant recul, depuis 1991, de l’intégration dans les écoles des États-Unis, où les Noirs et les Hispaniques ont de plus en plus tendance à se retrouver entre eux, confirmant l’échec de la diversité déjà décrit par le sociologue Robert Putnam.
L’aveuglement conformiste saute aux yeux, en France, quand il s’agit de dresser le bilan de Bush, qui avoue n’avoir pas cherché à plaire à l’opinion (voir mon blog). Alors que l’histoire pourrait lui reconnaître le courage d’avoir su désigner, dans « l’islamofascisme », l’ennemi des démocraties et des musulmans, le politiquement correct drainé par l’obamania a déjà fait de lui une calamité stupide. Mais l’hystérie collective peut-elle aller de pair avec la lucidité ?
La vie en vrai Alors que les idéologies se révèlent, les unes après les autres, victimes de leurs illusions et de leurs mensonges, l’obamania réclame pourtant son tour. Sa vision d’un monde fraternel, écologique et quasi paradisiaque ressemble au moralisme narcissique et « sympa » qui a fait de la gauche française ce qu’elle est devenue : une ombre sur un vide. Ségolène Royal, présente mardi à Washington, se dit l’inspiratrice du président démocrate (« Certaines de nos idées se retrouvent dans son message », explique-t-elle en assurant avoir été « copiée »). Ce faisant, elle rappelle surtout que cette filiation « progressiste » a échoué, jusqu’à présent, pour n’avoir su se frotter aux faits. Obama sera jugé sur ses actes. Mais il reste à savoir s’il saura se délivrer de cet océan d’angélisme et de son propre désir de plaire, qui risquent de l’engloutir. « On ne pourra pas appliquer tout ce qu’on a pu annoncer dans la campagne », a déjà annoncé le tribun qui, lors de sa prestation de serment, a trébuché sur le texte, comme s’il redécouvrait la vie en vrai. La sobriété de son discours de nouveau président a semblé vouloir mettre un terme à l’étourdissement des formules. À confirmer.
Lois raciales Autre chose encore, à propos de cette obamania assommante : tandis que le nouveau président cherche à « déracialiser » la politique américaine, c’est le but inverse qui est défendu par ses soutiens en France. Ceux-là réclament le recours aux critères ethnoculturels comme élément de promotion, comme si la couleur de la peau et la religion avaient à voir avec la compétence et le mérite. Yazid Sabeg, le commissaire à la diversité, en est à suggérer, sérieusement, le recours à la photographie pour mesurer des compositions ethniques, tandis que le Conseil des associations noires (Cran) demande au pouvoir « d’accélérer la mise en place du plan pour la diversité ». L’obamania, qui veut introduire des lois raciales en France, entame une régression dont l’État ferait bien de s’inquiéter.
Certes, Sabeg a raison quand il met en garde, mercredi, contre la société en train de se « fractionner ». Mais le communautarisme s’aggravera s’il est encouragé dans son repli par une politique flattant les différences. Ne serait-il pas temps de revenir à ce qui constitue le socle du « peuple français », qui fait pâle figure à côté du « peuple américain » soudé derrière son drapeau ? « J’en ai par-dessus la tête d’aller soutenir de justes causes nationales partout dans le monde et d’assister, impuissant, à la disparition de tout ce qui unifiait le peuple français, le nôtre », s’insurge Guy Konopnicki (La Banalité du bien, Hugo et Cie). Ce n’est pas son métissage qui rend Obama exemplaire, mais son choix d’adhérer totalement à l’identité américaine.

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