Le mur du politiquement correct résistera-t-il au « grand débat » sur l’identité nationale que veut soudainement lancer le gouvernement ? Il débutera lundi et durera deux mois et demi, a annoncé dimanche Éric Besson, ministre de l’Immigration. Il sera ouvert à tous « les Républicains » sous l’égide des préfets, sous-préfets et de parlementaires. Un « grand colloque de synthèse » sera organisé début février, peu avant le scrutin des régionales. Mais seule la grosse ficelle électorale apparaîtra si cette heureuse initiative devait négliger d’entendre, honnêtement, tous ceux qui s’inquiètent du devenir de leur nation.
La seule évocation de l’identité nationale, qui a fait élire Nicolas Sarkozy en 2007, ne suffira plus à attirer les électeurs soucieux de préserver la douce France des assauts d’une mondialisation prête à effacer les particularismes au profit d’un « sans-frontiérisme » uniforme et déculturé. La rapide conversion du chef de l’État aux clichés bien-pensants sur la diversité, le métissage, la non-discrimination, a laissé voir chez lui un flottement, à l’origine de la démobilisation d’une partie de la droite. Pour la reconquérir, il lui faudra cette fois dépasser les mots creux.
D’autant que le risque demeure de voir une partie de l’électorat un temps séduit par l’UMP repartir vers le FN, dont les politologues assurent qu’il ne représente plus un danger. En réalité, son score de juillet (47,62 %) à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), l’aval donné par des socialistes à sa dénonciation de Frédéric Mitterrand, son utilisation d’Internet comme nouvelle arme politique sont des éléments susceptibles de lui redonner une dynamique. L’extrême droite peut aussi trouver dans ce débat la justification de ses mises en garde. Or il serait inconséquent de la laisser s’approprier à nouveau la fierté française.
Les effarements de la gauche, qui voit même un « retour du pétainisme le plus nauséabond » (PCF), rappellent les interdits qui empêchent, au nom d’un oppressant antiracisme, d’analyser les effets d’un peuplement extra-européen dans une démocratie doutant de ses valeurs. Les refus de voir les phénomènes de substitutions de populations, d’identités alternatives, voire même d’antioccidentalisme parfois violent sont la conséquence de cette aveugle idéologie du mélangisme, indifférente à l’âme des peuples européens. Le pouvoir osera-t-il tout regarder, tout écouter ?
Vocabulaire imprécis
Sous prétexte de craindre un réveil du nationalisme, de la xénophobie et du racisme, faudrait-il renoncer à parler nation, identité, immigration ? C’est ce que soutient l’opposition en agitant ses tabous. Elle semble se satisfaire de l’état de la France qui, il est vrai, lui doit beaucoup. En haut à droite, Dominique de Villepin et Alain Juppé assurent également que tout ne va pas si mal. Or c’est bien ce déni, d’autant plus puissant que les faits sont pressants, qui reste le meilleur oxygène d’une extrême droite qui prend force en Europe. C’est pourquoi il serait contre-productif de persister à penser la réalité avec des œillères et avec le vocabulaire imprécis de la novlangue : la diversité, concept historiquement familier aux Français, est devenue synonyme d’éloge de l’immigration ; le métissage, anodin quand il s’agit du mélange des sangs, est maintenant une autre manière de justifier le multiculturalisme ; quant à la non-discrimination, tarte à la crème du conformisme, elle justifie passe-droits et dispenses pour les minorités ethniques. Le pouvoir doit s’obliger à parler clair pour être crédible. La lucidité des esprits, abusés par des mots détournés, est à ce prix.
Briser la chape de plomb
« Il faut réaffirmer les valeurs de l’identité nationale et la fierté d’être français », explique Éric Besson, qui aimerait que les jeunes aient une fois dans l’année l’occasion de chanter La Marseillaise. S’il s’avère libre et ouvert, le débat devrait être passionnant tant il est au cœur des préoccupations existentielles des gens ; bien davantage que le pouvoir d’achat comme le répètent les perroquets du matérialisme. L’identité est la clé de voûte du système éducatif, qui ne sait plus quoi transmettre. Les réponses qui seront apportées pourront peut-être aider à maîtriser la fracture identitaire qui s’installe au cœur de la République « une et indivisible ». Mais pour cela, le pouvoir va devoir briser la chape de plomb des idées toutes faites. S’y résoudra-t-il ?
La République repentante doit arrêter de douter d’elle-même, de son histoire, de ses acquis. Plutôt que d’accéder aux exigences des minorités qui ont obtenu par exemple l’allégement des sélections en culture générale dans les concours d’admission, elle se grandirait en demandant le respect de sa culture, notamment de sa langue et de sa littérature, et de principes jugés non négociables. La laïcité, la liberté d’expression, l’égalité entre l’homme et la femme, font partie de ce socle commun qui devrait être soumis à l’adhésion obligatoire des nouveaux venus. Un bilan du droit du sol et de ses conséquences sur certains Français qui ne se reconnaissent pas dans cette identité administrative non choisie serait également légitime (voir mon blog).
Bonne fille
Besson a raison de soutenir que la burqa est « contraire aux valeurs de l’identité nationale ». Mais la dénonciation de ce refus affiché de vivre ensemble ne doit pas faire oublier les autres avancées de l’islam radical, qui a su jusqu’à présent profiter des faiblesses de la République bonne fille.