La révolution: tout l’annonce, de la paupérisation des classes moyennes à la faillite de l’école. La crise financière internationale, qui bouleverse la présidentielle américaine et oblige aux réformes, ajoute à l’instabilité, aggravée par l’agressivité de la Russie et l’intensification de la guerre des démocraties contre les djihadistes. La France suivra-t-elle la bonne route ?
Olivier Besancenot n’est plus seul à rêver du grand soir. Ségolène Royal se réclame d’une « révolution démocratique ». François Bayrou veut croire au « centrisme révolutionnaire » , concocté par Jean-François Kahn. L’ancien patron de la CGE, Georges Pébereau, explique même (1): « Nous sommes, à n’en pas douter, dans une période prérévolutionnaire, au sens de 1789. » Les doctrinaires, qui exigent du libéralisme l’autocritique dont ils se sont toujours exonérés, croient leur purgatoire déjà terminé.
« Aujourd’hui, un vent nouveau souffle en faveur de nos thèses », assure ainsi Benoît Hamon, nouveau chef de fil de l’aile gauche du PS, qui reprend une antienne néomarxiste déroulée depuis l’après-guerre : bel exemple d’aveuglement, chez ceux qui ont contribué au déclin de la nation au point de faire de l' »exception française » un repoussoir, hormis pour son système de santé (mais à quel prix !). Même La Poste n’est plus un service public opérant.
L’effondrement du capitalisme spéculatif, rendu fou par la mondialisation, réjouit les nostalgiques des plans quinquennaux. Mais Wall Street a déjà transformé les dernières banques d’investissement (Goldman Sachs et Morgan Stanley) en établissements commerciaux sévèrement contrôlés. Ceux qui voient l’échec du libéralisme dans les nationalisations américaines s’égarent. Ces sauvetages peu orthodoxes obligent, certes, à davantage de régulation et d’éthique. Mais qui pleurera la fin des parachutes dorés et des enrichissements sans cause ?
Quand Nicolas Sarkozy s’interroge, mardi à New York : « Qui est responsable du désastre? »  en demandant des sanctions, il pose une excellente question. Cependant, elle devrait s’adresser aussi à ceux qui ont mis la France dans cet état dépressif, né de démissions et de mensonges. S’il doit y avoir une révolution, c’est contre ces maux-là. Ils sont les fruits de la cléricature progressiste qui, à peine chassée, veut revenir par la fenêtre.
 Supplétifs des talibans La gauche, qui veut avoir raison contre le libéralisme, s’accroche semblablement à son antiatlantisme, qu’elle brandit en gage d’indépendance d’esprit. Or, l’illustration donnée par ses parlementaires, qui ont voté non, lundi, au maintien des troupes en Afghanistan, est affligeante. Les socialistes avaient raison de soutenir que cette guerre contre le terrorisme, engagée depuis 2001 par les États-Unis et l’Union européenne, ne devait pas s’éterniser et devait chercher l’adhésion des populations locales. Mais en refusant d’être les « supplétifs des Américains », ils se sont déshonorés en devenant les supplétifs des talibans.
Ces derniers ne peuvent que se féliciter, en effet, du défaitisme de la gauche et de son manque de solidarité avec les démocraties jusqu’alors soudées pour tenter de contenir un totalitarisme qui a des soutiens jusque dans des cités françaises. Il avait été pénible de voir des islamistes arborer, dans Paris Match, les dépouilles de nos militaires et déclarer : « Par cette attaque nous avons voulu montrer aux soldats français qu’il faut cesser d’aider les Américains.  » Voir la gauche se hâter de lâcher un allié de 250 ans donne une idée de sa complaisance. Si ce n’est pas une capitulation, qu’est-ce?
Il est faux de dire, comme Hubert Védrine (2), que l’atlantisme s’oblige à un «  alignement automatique » sur les États-Unis. L’Europe est en train de construire sa propre politique, à travers la crise géorgienne et celle des subprime, sans rien renier de son « occidentalisme » , qui semble une tare pour l’ancien ministre des Affaires étrangères. Tout incite les démocraties de la planète, contestées par des régimes autocratiques, à « se serrer les coudes » (Robert Kagan, Le Retour de l’histoire et la fin des rêves, Plon). Ce n’est pas parce que cette réalité est décrite par les néoconservateurs, bête noire d’une intelligentsia qui s’est si souvent trompée, qu’elle est irrecevable. Les faits sont têtus.
 
Effrayant pédagogisme Les faits: un enseignant se suicide après avoir été mis en garde à vue, suite à la plainte d’un élève. Une enquête révèle que plus d’un collégien sur cinq ne comprend pas ce qu’on lui demande de faire. La palme d’or du Festival de Cannes (Entre les murs), sorti cette semaine, donne une image effrayante du pédagogisme, qui flatte l’inculture des défavorisés et dévalorise le professeur (« Moi non plus je ne suis pas fier d’être Français », répond celui-là à une élève). Qui osera enfin désigner les responsables de ce désastre éducatif ? Là non plus, la gauche ne peut plus se défiler en accusant ses adversaires : elle monopolise les rouages de l’éducation nationale, à qui elle a assigné un impératif de réduction des inégalités, en négligeant la transmission des savoirs. Jamais l’école n’a été aussi inégalitaire ; jamais l’illettrisme n’a été aussi banalisé. Ce ne sont pas les médailles, que Xavier Darcos veut distribuer aux bacheliers, qui sauveront un système naufragé. C’est lui qui attend une révolution.
 
(1) Le Monde, 16 septembre
(2) Europe 1, 19 septembre)

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