Dimanche, la participation aux élections européennes s’annonce faible. L’abstention n’est jamais une bonne réponse. Pour autant, cette Union bonasse n’a rien d’attirant. D’ailleurs, la plupart des partis se gardent de parler d’elle. Parmi les 55 % d’électeurs français qui avaient dit non à la Constitution en 2005, beaucoup persistent à ne pas se reconnaître dans cette construction molle, tatillonne, incapable de parler clair. Sa faiblesse renvoie un portrait peu flatteur des peuples.
« Pour être forte, l’Europe doit assumer aussi ses valeurs et son identité », écrivent Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, dans un texte publié dans Le Journal du dimanche. Or c’est justement là que le bât blesse : l’Union reste le produit du politiquement correct, qui veut donner toutes leurs places aux minorités et aux diversités. Dans cet espace ouvert, les racines chrétiennes ont été priées de se faire oublier pour ne pas fâcher l’islam. Or, qui a décidé de cette Eurabia qui s’esquisse ? Pas les citoyens, en tout cas.
L’Europe est fragile et doute d’elle-même. Derrière son insouciance se laisse voir une crainte existentielle, ressentie par ceux qui n’ont pas envie de s’identifier à un modèle déclinant, soucieux de plaire à tous. Sarkozy et Merkel en masquent les failles quand ils assurent : « Nous continuerons à nous battre pour le respect des droits de l’homme. » Leurs convictions expliquent des présences militaires en Afghanistan contre les talibans. Néanmoins, « se battre » reste anachronique pour qui ne se connaît pas d’ennemis.
« C’est justement parce que la Turquie est musulmane, et non en dépit de sa religion, que nous avons intérêt à ce qu’elle intègre l’Union européenne », écrit Michel Rocard, mardi, dans Libération « L’Europe sera dès lors l’exemple du dialogue pacifié entre la civilisation judéo-chrétienne et l’Islam. » Mais l’ex-premier ministre en est-il si sûr ? Déçu de voir s’éloigner l’Europe fédérale, le voilà soldant le berceau de l’Occident, pour prix d’un hypothétique monde apaisé. Pourquoi diable vouloir brader si vite notre reliquat d’âme ?
Cette tentation de l’abandon, partagée par des élites désabusées qui minimisent les possibles menaces qu’encourt une Europe trop gâtée, n’est pas du goût de nombreux électeurs. Si une société se juge aussi à ses fruits, le métissage culturel souhaité pour le Vieux Contient n’offre guère, pour l’instant, d’exemples attrayants avec ses déculturations, ses violences, ses ghettos. Ne pas s’étonner si ce postmodernisme, censé illustrer le monde nouveau, n’enthousiasme pas les gens.
Limites du « soft power » En refusant la Turquie dans l’Union, Nicolas Sarkozy répond aux réserves des Français. Il est vrai qu’ils font, depuis trente ans, l’expérience d’une cohabitation avec des populations nouvelles, dont une partie reste attachée à des modes de vie, des mentalités, des cultures spécifiques. Cette évidence, qui consolide une fracture identitaire, n’est pourtant pas analysée par les politiques. « L’Europe est laïque et toutes les religions y ont leur place y compris l’islam », explique Alain Juppé (Le Figaro , mercredi), qui ne rejette Ankara de l’Union que pour des motivations économiques et politiques. Cependant, de semblables séparatismes s’observent dans les autres pays d’Europe, au point de réveiller, parfois, de pénibles sentiments de rejets qui révèlent la vulnérabilité des nouvelles nations multiculturelles. Aux Pays-Bas, par exemple, un député anti-islam, Geert Wilders, reçoit le soutien croissant d’une partie de l’opinion.
Cette prise de conscience de la faiblesse de l’Europe atteindra-t-elle les élites ? Ne désespérer de rien, tant les réalités bousculent les clichés. Lundi, c’est dans Libération que l’on pouvait lire ceci, de Peter Van Ham : « L’Union européenne présente tous les symptômes de la décadence. (….) L’Union doit se réveiller pour défendre son modèle et ses valeurs. (…) Ce qui la menace ce sont, par exemple, l’immigration illégale, qui déstabilise son modèle de société, ou encore l’islam extrémiste. (…) L’Union doit affirmer qu’une guerre pourrait être nécessaire pour protéger notre idéal et nos intérêts communs. » De tels propos ne sont plus exceptionnels.
Les limites du « soft power », ce comportement consensuel qui empêche l’Europe pacifiste et naïve de se protéger et de se défendre, commenceraient-elles à être posées ? Silvio Berlusconi, cible d’une campagne de la gauche qui dénonce ses frasques, maintient sa popularité à un haut niveau pour avoir, notamment, pris à bras-le-corps la lutte contre l’immigration clandestine, avec l’aval de l’Union européenne. Plus généralement, une déroute électorale se profile pour la plupart des partis « progressistes », inspirateurs de cette Europe émolliente qui ne sait pas dire non. Oui, les temps changent (bloc-notes du 22 mai).
Le pari d’Obama Est-ce ce « soft power » qu’a défendu Barack Hussein Obama, hier au Caire ? Oui, quand il dit, se prévalant de son père musulman, vouloir construire un monde en paix, en partenariat avec l’islam des Lumières. Comment ne pas soutenir cet idéal ? Mais c’est la force que promet aussi le président américain contre « l’extrémisme violent ». « La résolution des États-Unis ne va pas faiblir », a-t-il prévenu. Les musulmans, à qui les États-Unis tendent la main, se désolidariseront-ils de ceux qui déshonorent leur religion « de paix et de tolérance » ? Tel est le pari.
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