La France doit affronter une autre crise : celle de l’intelligence. Où sont les projets, en réponse au monde nouveau qui vient ? Le défi à relever pour 2009 va être celui des idées. Que le prévisible Jean-François Kahn, qui a rejoint le prudent François Bayrou, soit cité en exemple de « politiquement incorrect » (Valeurs actuelles, 2 janvier), illustre le conformisme qui a encalminé une intelligentsia ayant renoncé aux chemins de traverses. Faudra-t-il que les Français se fâchent encore contre les élites, leurs œillères, leur autocontentement ?
Il y a un an, Nicolas Sarkozy annonçait une « politique de civilisation » à ceux qui s’inquiètent de la fragilité de la France et de sa cohésion. Or, depuis, son intuition a évité les questions liées à la culture, à l’éducation, au socle permettant de poursuivre un destin collectif. Autant de sujets dépassant l’horizon du seul pouvoir d’achat. La réforme du lycée, lancée à la volée, s’est heurtée à cette impréparation qui oblige le pouvoir à reculer, comme il le fait aussi sur le travail dominical. Lors de ses vœux, le président a annoncé les réformes de l’hôpital, de la formation professionnelle, de la procédure pénale. Mais l’État ne peut plus se permettre de gérer ainsi les affaires du pays, sans s’arrêter au plus grave : la déculturation à marche forcée (à leur tour, les épreuves de recrutement des enseignants, le Capes, vont être revues à la baisse), qui accompagne l’extension d’une contre-société, dans des cités connaissant un phénomène de néocolonisation.
Voir médias et politiques se féliciter que le pays ait gagné trois millions d’habitants en sept ans (plus de 400 000 personnes par an) montre l’absence de réflexion sur cette nouvelle immigration de peuplement, qui explique en grande partie l’essor de la démographie. Or, n’est-il pas temps de s’interroger sur les risques de déchirure, quand le président hausse le ton, mardi, devant de possibles « violences communautaristes » liées à la guerre entre Israël et le Hamas ou quand il morigène les incendiaires de voitures (1 147) du premier de l’An ?
L’avenir de la nation reste un impensé. Alors que la crise remet en question un modèle de société construit sur le matérialisme et le consumérisme et que se devine le besoin de revenir à des valeurs fondamentales et protectrices, il est temps d’ouvrir les débats attendus. Rappelons qu’il s’agit de savoir notamment si, demain, les Français vont pouvoir encore vivre ensemble et à quelles conditions.
Libanisation Le conflit israélo-palestinien révèle le communautarisme qui tend à libaniser la France. Mardi, après la tentative d’incendie d’une synagogue, Michèle Alliot-Marie a demandé aux préfets de « garantir les principes qui assurent l’unité nationale ». La démonstration de cette fracture identitaire, décrite ici mais récusée généralement, a été apportée, samedi à Paris, par la manifestation ethnico-religieuse de soutien au Hamas et aux Palestiniens, sur laquelle les médias se sont peu arrêtés. L’appel, relayé par les mosquées, a rassemblé plus de 20 000 personnes, très majoritairement musulmanes, brandissant des drapeaux de la Palestine, du Hamas, des pays du Maghreb et scandant des slogans hostiles à Israël, au Quai d’Orsay et aux médias français « sionisés ». J’y ai vu des hommes faisant leur prière et de nombreuses jeunes filles voilées. J’y ai entendu des imprécations en arabe et d’innombrables « allahou akbar ! », avant que la manifestation ne dégénère en mini-intifada, à quelques encablures de la Concorde (voir mon blog).
J’y ai vu aussi, dans cette même manifestation, le gratin de l’extrême gauche : Olivier Besancenot et Alain Krivine (LCR), Marie-George Buffet (PCF), Denis Baupin (Verts), Lutte ouvrière. Ce jour-là, l’alliance entre gauchistes et islamistes s’est officialisée dans un même rejet du sionisme (ce qui plaît aussi beaucoup au Front national) et du « système marchand ». Idéologue de L’ Islam révolutionnaire (Éditions du Rocher, 2003), Ilich Ramirez Sanchez, dit Carlos, avait rêvé de cette union, dans une France vue déjà comme « dar al-Islam » (terre d’Islam). Le facteur de Neuilly et ses alliés tiers-mondistes ont-ils réfléchi à cette société théocratique qu’ils soutiennent benoîtement, espérant le ralliement d’une jeunesse déboussolée ?
Ce qu’est le Hamas Rappel de ce qu’est le Hamas, soutenu par l’extrême gauche et combattu à Gaza par Israël dans une guerre des images qu’elle est en train de perdre : une organisation militaro-islamiste, qui a conforté son pouvoir en 2007 par un coup d’État. Elle assigne le peuple palestinien à sa condition médiatique de martyr. Sa charte justifie le djihad contre Israël, jusqu’à sa disparition de la « terre d’Islam ». Nicolas Sarkozy a dit de ce mouvement, indéfendable pour un démocrate musulman, qu’il avait « agi de manière irresponsable et impardonnable ». C’est contre cet islamo-fascisme, qui dissimule ses soldats derrière les civils et entrepose ses armes dans des mosquées, des écoles ou des hôpitaux, qu’Israël a décidé de se battre, au prix de morts accidentels (plus de 40, mardi, dans le bombardement d’une école) évidemment insupportables pour l’opinion occidentale. Mais sa défaite serait la victoire d’une régression, dont les musulmans seraient les premières victimes.

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