Nicolas Sarkozy a raison. « Ça ne va pas du tout. » « Il y a eu erreur dans la façon de construire l’Europe », a-t-il reconnu, lundi sur FR3. Mais le président s’est gardé d’aller au bout de l’analyse. Elle l’aurait conduit à reconnaître que son tour de passe-passe, faisant approuver par le Parlement, en février, un texte proche de celui rejeté en mai 2005 par 55% des Français, avait aggravé la méfiance du peuple. Pourquoi ne pas renoncer au traité de Lisbonne?
Les élites doivent admettre leur tort. Leur Union européenne, monstre sans âme, ne dit rien aux gens. Comment se reconnaître dans une pondeuse d’interdits? Ce sont d’ailleurs les pays de l’Est, qui ont connu les délices de l’Union soviétique, qui pressentent le mieux les risques de Bruxelles, monument de technocratie et de politiquement correct. Le président polonais Lech Kaczynski a annoncé, mardi, qu’il ne ratifierait pas le traité. Le tchèque Vaclav Klaus pourrait le suivre.
Ce texte de Lisbonne, rejeté par les Irlandais comme le fut son clone il y a trois ans, est au moins à réécrire. Philippe de Villiers suggère, dans Le Figaro, « un traité refondateur ». C’est une piste. Le chef de l’État veut, plus concrètement, une « Europe qui protège ». Il a raison. Mais cette réflexion s’imposait dès 2005. « Quand les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir », disait Rivarol. Faut-il qu’ils hurlent pour changer de cap?
Nicolas Sarkozy a six mois, le temps de sa présidence de l’Union, pour tenter de redonner, en dehors du traité de Lisbonne, un souffle à l’Europe familière, telle qu’elle était déjà vécue sous l’Ancien Régime. L’environnement ou l’immigration sont des dossiers qui peuvent susciter de possibles efficacités, même si le pacte sur l’immigration proposé par l’Élysée est contesté par l’Espagne, comme la baisse de la TVA sur le pétrole.
« Dans une Europe à l’épreuve, nous devons faire la preuve de l’Europe », explique José Manuel Barroso, président de la Commission. Le défi peut être gagné à condition de redonner de l’air aux nations. L’Organisation mondiale du commerce ne peut imposer ses vues à l’agriculture, pas plus que n’est légitime la décision, mardi, de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union d’harmoniser la protection des homosexuels. Les peuples veulent être libres de leurs lois, de leurs choix, de leurs droits, de leurs voix. Capito?
L’état de la gauche Tandis que se joue l’avenir de l’Europe, la gauche récite encore son chapelet anti-Sarkozy. Samedi, Ségolène Royal, à nouveau de blanc vêtue, a présenté le président comme « un étrange mélange entre Berlusconi et Doc Gynéco, avec des montres à 50.000 euros au poignet ». Lundi, Jean-Marc Ayrault a dénoncé la « thatchérisation de notre société », à propos de la remise en cause des 35 heures. Mais personne ne trouve à redire au rapprochement de Jean-Marc Rouillan, cofondateur de l’organisation Action directe, avec Olivier Besancenot, qui vient de lancer son Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Pas touche au gentil facteur de Neuilly!
Rouillan a été condamné deux fois à la réclusion criminelle à perpétuité pour les assassinats du PDG de Renault, Georges Besse, en 1986 et de l’ingénieur général de l’armement, René Audran, en 1985. En semi-liberté depuis décembre, après vingt ans de réclusion, l’ancien terroriste a déjeuné avec Besancenot, à Marseille, et lui a fait part de son intérêt pour son mouvement. « Si lui accepte le programme, il viendra, on ne demande pas aux gens leur passé », explique Alain Krivine au nom du NPA. Certes, Rouillan a fait sa peine. Mais ses actes, qui sont dans la mémoire des familles des victimes, restent des crimes.
Or cette désinvolture laisse de marbre les faiseurs d’éthique, qui gardent un faible pour les brutes si elles sont révolutionnaires. Observer le PS ménager le NPA permet de jauger la vacuité des socialistes. Jean-François Copé, président des députés UMP, a raison de dire que Besancenot « est en train d’utiliser la même stratégie que Le Pen il y a vingt ans, en ne reculant jamais devant aucune provocation ». Mais si la droite a su couper les liens avec l’extrême droite, notamment sous les injonctions de la gauche, ni Royal ni ses concurrents ne cherchent à isoler le NPA. En quoi serait-il plus respectable que le FN?
Tyrannie de l’émotion (suite) Le président l’a confirmé lundi, interrogé sur les sans-papiers: « J’ai un cœur (…) Il est à la même place: à gauche, comme tous les êtres humains. » Toujours cette tyrannie des bons sentiments, évoquée ici la semaine dernière. Elle a poussé Nadine Morano, secrétaire d’État à la Famille, à se dire prête à porter l’enfant de sa fille, dans le cadre d’une Gestation pour autrui (GPA) qu’une commission du Sénat aimerait légaliser. « Pour moi, ce serait un geste d’amour », explique-t-elle (voir mon blog). En vertu de cette proximité recherchée, Sarkozy a passé, lundi, un savon mérité au 3 e RPIMa de Carcassonne, après la bavure inexcusable d’un militaire qui a blessé 17 personnes. Pour autant, fallait-il sacrifier le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Bruno Cuche et prendre le risque d’humilier l’Armée? L’émotion peut faire d’autres dégâts.
Ingrid Betancourt libérée L’émotion: elle a été le ressort de la mobilisation sans précédent pour Ingrid Betancourt. Mais c’est la ruse et la force qui ont permis au président colombien Alvaro Uribe, critiqué par les belles âmes pour son intransigeance face aux Farc et sa proximité avec George Bush, de libérer l’otage.
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