Jacques Chirac était un homme sympathique. Les 7000 personnes qui, dimanche, ont longtemps patienté avant de pouvoir rendre hommage à sa dépouille, présentée aux Invalides, ont rappelé la part d’humanité qui habitait l’ancien président de la République, mort jeudi à son domicile. La journée de deuil de ce lundi touchera de nombreux citoyens attachés à cette personnalité. D’autres seront plus généralement nostalgiques d’une époque où la liberté était encore vécue au quotidien sans trop d’entraves. Reste que la décision de la famille Chirac de refuser à Marine Le Pen d’assister, à midi, au service solennel en l’église Saint-Sulpice, vient rompre un consensus. Ce choix, qui ravive des plaies, vient contredire l’image rassembleuse que les soutiens de Chirac aimeraient laisser du président. Derrière Marine le Pen, ce sont en effet des millions de Français qui sont jugés indésirables en ce moment de cohésion. Cette mise à l’écart satisfera sûrement tous ceux qui, Emmanuel Macron en tête, croient voir l’extrême droite chez ceux qui n’adhérent pas à leur vision d’un monde unilatéralement ouvert. Mais cette analyse sommaire est datée. Le désarroi qui s’observe dans une partie de la société française tient à cette diabolisation dont elle est la cible. Un sentiment de trahison commence à s’exprimer chez ceux qui, depuis quarante ans, voient leur destin leur échapper, sous la conduite de dirigeants poursuivant des doubles jeux. De ce point de vue, il est possible de soutenir que Chirac, avec son ni droite ni gauche, était un macronien avant l’heure. En réalité, Chirac a fait beaucoup de mal à la droite, en l’entrainant à partir des années 2000 dans un centrisme fasciné par la gauche. « Je n’ai jamais été de droite ! », a d’ailleurs confirmé l’ancien président dans une conversation que rapporte son collaborateur Jean-Luc Barré (Le Figaro, vendredi). Si la droite s’est effondrée, c’est parce qu’elle n’a pas osé s’affirmer dans son identité ni dans l’écoute des Oubliés. Il est vain de s’en prendre à Marine Le Pen ou aux tentatives de rassemblement des droites. Samedi à Paris, une Convention de la droite, organisée par le magazine L’Incorrect en présence de Marion Maréchal, a tenté de fédérer des courants et des réflexions. L’initiative en appellera bien d’autres. Ceux qui sont à blâmer sont les donneurs de leçons. Ils insultent inutilement un électorat qui ne joue plus le jeu d’une démocratie confisquée. Maintenir à l’écart ces Français, qui se cherchent une expression politique, revient à reconnaître la faillite de l’actuel système politique. Les incendiaires ne sont pas chez ceux qui veulent reconstruire une droite détruite. Ils sont chez les idéologues qui veulent imposer leurs chimères. « Les racines de l’Europe sont autant musulmanes que chrétiennes » a pu dire Chirac en 2003, avant de s’opposer au rappel des racines chrétiennes de l’Europe dans le projet de constitution européenne. C’est ce projet qui a été rejeté en 2005 par référendum, avant d’être réintroduit malgré tout. Ces abus de confiance ont miné la démocratie. Chirac n’a rien fait pour reconstruire la confiance et réconcilier les Français. Je participerai, ce lundi, à L’heure des pros II, sur CNews (20h-21h)

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