La firme américaine General Electric aura attendu le lendemain des élections européennes pour annoncer, en France, la suppression de 1044 emplois sur son site de Belfort. Le gouvernement a juré ce mercredi matin, par la voix de la secrétaire d’Etat, Agnès Pannier-Runacher, qu’il n’était au courant de rien jusqu’alors. Il est permis de douter de cette version : le directeur général de GE France, Hugh Bailey, est un proche du chef de l’Etat. C’est Bailey, alors conseiller pour les affaires industrielles d’Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l’Economie, qui avait piloté en 2015 la vente de la branche énergie d’Alstom (chaudières et turbines à gaz) au conglomérat américain. C’est de deal qui s’avère être une duperie pour les salariés concernés. On comprend dès lors pourquoi l’Elysée n’était pas pressé de faire connaître les conséquences de ce fiasco industriel piloté par l’Etat. Cet échec s’ajoute à celui, récent, de la reprise de l’aciérie Ascoval par le groupe anglais British Steel. Le soupçon d’amateurisme fait douter, du coup, de la solidité du rapprochement envisagé ces jours-ci entre Renault et Fiat. Le site de Belfort est victime, à la fois, de la chute de production des turbines à gaz, qui se heurtent aux nouveaux impératifs de transition écologique, et à la politique américaine de l’ »America first », qui rapatrie aux Etats-Unis une partie des productions réalisées en France. Il reste également à identifier plus précisément la légèreté de Macron lui-même dans ses rapports avec la GE, multinationale visiblement plus sensible aux intérêts de ses actionnaires qu’à celui des salariés français. Néanmoins, le président de la République ne peut être tenu pour seul responsable de cette déroute industrielle, qu’il s’est contenté d’accompagner sans vision à long terme. Le sabotage de ce qui fut le groupe français Alcatel-Alsthom, jadis numéro un mondial dans le câble et les télécoms, trouve d’abord son origine dans l’acharnement d’un juge d’instruction, Jean-Marie d’Huy. C’est lui qui, en 1995 contraindra Pierre Suard, pdg du groupe, à démissionner pour des accusations de surfacturations et d’abus de biens sociaux. Un non-lieu ne sera rendu qu’après 13 ans de procédures (voir mon bloc-notes du 16 juin 2006, repris par le site de Suard). Son successeur, Serge Tchuruk, sera le premier fossoyeur de cette superbe réussite. Il s’empressera de la scinder en deux en vendant en Bourse le capital d’Alstom et en recentrant Alcatel sur les télécoms (lire l’article de Jean-Charles Hourcade, sur FigaroVox). C’est à Tchuruk que le bêtisier des grands patrons doit cette stratégie assumée de la déroute : « Alcatel doit devenir une entreprise sans usines ». Entreprise sans usines (délocalisées ailleurs), donc sans salariés. La suite n’est qu’un lent naufrage, guidé par des « stratèges » aux petits pieds. Macron s’inscrit dans cette lignée. Ce matin, le gouvernement a dit attendre de GE qu’il soit « exemplaire » à Belfort. Mais seul ce gâchis est exemplaire de ce qu’ll ne faut pas faire. Je participerai, ce mercredi, au club Pujadas sur LCI (18h-19h30)Je participerai, jeudi, au Grand dossier sur LCI ( 20h-22h)

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