Jérôme Kerviel, écroué ce lundi matin à Nice pour y effectuer ses trois ans de prison, illustre cette réflexion de Valéry Giscard d’Estaing, dans Le Figaro de ce jour : « Le premier pouvoir en France, aujourd’hui, c’est le pouvoir médiatique (…) La classe politique s’est recroquevillée ». Il aurait été en effet impensable d’observer, il y a quarante ans,  la mise en scène déployée depuis des semaines par l’ancien trader et ses conseils. Le barnum vise à faire passer pour une victime du capitalisme financier celui qui a été reconnu pénalement coupable d’une perte de cinq milliards d’euros au détriment de la Société Générale, après des placements frauduleux. Il aurait été également inconcevable, à cette époque, que l’idée puisse venir à l’esprit d’avocats en mal de procédures de solliciter directement l’entremise du chef de l’Etat, dans un dialogue direct inauguré récemment par la désastreuse affaire Léonarda, cette jeune Rom expulsée avec sa famille. Certes, ces deux stratégies de contournement ont finalement échoué, puisque Kerviel s’est en définitive laissé interpeller dimanche soir à la frontière italo-française, et François Hollande n’a pas fait exception aux voies de recours habituelles. Miche Sapin a même été, hier soir, jusqu’à qualifier Kerviel d’ « escroc », ce qui semble excessif puisqu’il ne s’est jamais enrichi de ses jongleries avec l’argent des autres. Reste que la société, de plus en plus immature, est devenue perméable aux émotions, trop souvent au détriment des faits et du droit.Kerviel est un manipulateur. Il laisse croire qu’il a obtenu la caution du pape dans son combat contre la finance qu’il a naguère servie. Or, s’il a bien rencontré le Saint-Père à Rome, ce fut fortuitement lors de son audience générale hebdomadaire. Les soutiens apportés par Mgr Jean-Michel di Falco et le père Patrice Gourrier sont des initiatives individuelles qui n’engagent pas l’Eglise. Surtout, Kerviel use et abuse du statut de victime que lui permet de réclamer une dialectique qui inverse les rôles et culpabilise les vraies victimes quand celles-ci ne sont pas agréées par la pensée dominante. J’avais nommé ici, en 2009, « syndrome du Noctilien » l’aveuglement volontaire sur la source d’un désordre quand elle contredit une idéologie. En l’espèce, un jeune étudiant blanc frappé dans un bus de nuit par des « jeunes » le traitant de « sale Français » avait lui-même récusé le caractère raciste de l’agression. Pas plus qu’un Blanc, une banque ne peut être victime. Ce n’est pas un hasard si l’ex-trader est soutenu par le Front de Gauche et Médiapart, quand il assure que des témoins ont subi des pressions de la banque ou de l’appareil judiciaire : les extrêmes alimentent avec gourmandise ces arguments complotistes. Leur terreau est celui d’une société relativiste laissée à elle-même. « Toute une population de leaders a disparu », fait remarquer VGE. Kerviel, coupable auto-promu victime du Mal et militant du Bien, est le symptôme d’un monde infantilisé.

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