La honte : l’Occident détourne le regard sur le sort des Kurdes. Or ils se sont battus à ses côtés dans la guerre contre l’Etat islamique. Pourtant, ces résistants s’apprêtent à être livrés à l’éradicateur Turc, après avoir été lâchés par les Etats-Unis et l’Europe. Recep Erdogan, le nouveau sultan, l’a annoncé ce mercredi matin : il espère voir « tomber » le canton kurde d’Afrine (Syrie) « d’ici ce soir ». Un rectificatif de la présidence turque a soutenu un peu plus tard que le chef de l’Etat espérait en fait qu’Afrine soit « totalement encerclée ». Peu importe : un massacre est annoncé. Erdogan désigne comme « terroriste » ce petit peuple qui arme les femmes-soldats, cheveux au vent, et laisse la religion dans la sphère privée. Les médias concentrent leurs indignations habituelles sur Bachar el-Assad, qui pilonne avec l’aide de l’aviation russe la Ghouta orientale (Damas), enclave tenue par des islamistes qualifiés gentiment de « rebelles » alors qu’ils utilisent une partie de la population en bouclier humain. Pendant ce temps, les Kurdes d’Afrine sont tués en silence par la Turquie et ses alliés djihadistes. Certains de ceux-là auraient d’ailleurs quitté la Ghouta pour consolider l’encerclement d’Afrine. Bref, la Turquie, membre de l’Otan, fait front commun avec les islamistes qui combattent en Syrie au nom de Daech. Erdogan, en ayant choisi d’écraser les Kurdes, se comporte en ennemi du monde libre et en sous-marin islamiste dans l’Otan. Mais l’esprit munichois paralyse l’Occident.
L’Union européenne est absente. Quant aux protestations françaises, elles sont autant d’aveux d’impuissance. Mardi, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré : « Si le souci de frontière est légitime pour la Turquie (…) cela ne justifie absolument pas l’action en profondeur des troupes turques sur la zone d’Afrine (…) Cela ne justifie en aucun cas des opérations militaires aboutissant à mettre en danger les populations civiles ». Lundi, dans Le Monde, l’ancien chef de l’Etat, François Hollande, a pointé indirectement l’attentisme d’Emmanuel Macron sur ce dossier : « Si j’ai soutenu les Kurdes dans le cadre de la coalition, ce n’est pas pour les laisser dans la situation où ils sont », a-t-il déclaré. « Il n’est pas possible de célébrer la libération d’une partie de la Syrie et de laisse mourir des populations entières dont on sait qu’elles ont joué un rôle déterminant pour arriver à ce résultat ». Pour sa part, le président américain, Donald Trump, craint visiblement de s’engager, au risque d’attiser les tensions avec la Russie, qui tient un jeu plus que trouble en soutenant la Turquie et l’Iran. Reste malgré tout cette incohérence, relevée par Hollande : « Quel est cet allié turc qui frappe nos propres alliés avec le soutien au sol de groupes djihadistes ? ». Non, la Turquie n’a plus rien à faire dans l’Otan. Sa traîtrise est aussi impardonnable que notre lâcheté.
S’abonner
0 Commentaires
le plus récent