L’incompréhensible acharnement dont fait preuve le gouvernement contre l’enseignement scolaire retarde d’autant sa remise à plat, en vue de sa reconstruction. Quand Manuel Valls parle, ce lundi dans une tribune pour Libération, de « refondation de l’école », il se paie de mots. En réalité, comme le remarque François-Xavier Bellamy dans Le Figaro de ce jour, le premier ministre joue, avec Najat Vallaud-Belkacem qu’il soutient, « le dernier acte d’une déconstruction qui a commencé bien avant la ministre de l’Education nationale ». De fait, la réforme du collège s’inscrit dans la logique de la lente décomposition des savoirs, en oeuvre depuis près de cinquante ans. La dernière étude vient de révéler un net recul des compétences des collégiens en mathématiques. La semaine dernière, Michel Lussaut, président du Conseil supérieur des programmes, disait (Le Monde, 14 mai) tout le mal qu’il pensait, en histoire, de l’enseignement du « roman national ».  Le lendemain, dans le même journal, un collectif soutenant le gouvernement raillait « la récitation nostalgique et mécanique du passé national ». En précisant : « Il y a longtemps que l’inculcation du patriotisme n’est plus la mission première de l’école républicaine. Les enseignants d’histoire-géographie n’ont pas pour vocation de fabriquer la loyauté nationale de leurs élèves (…) mais de les aider à se construire comme de futurs citoyens ». C’est dans cette même logique visant à l’amnésie et à la table rase que s’inscrit le premier ministre quand il écrit vouloir faire de l’Ecole « le rempart qu’elle devrait être contre la reproduction sociale ». Alors que l’on aurait pu espérer de la gauche non-marxiste un minimum de lucidité sur les désastres causés par la mise en cause, à la suite de Pierre Bourdieu, des héritiers et des héritages, voilà donc Valls qui cautionne à son tour la déculturation. Plutôt que de fuir le pédagogisme, responsable de la débâcle scolaire, celui-ci se voit conforté par le pouvoir. Il y a évidemment de quoi désespérer de l’avenir de la culture en France. D’autant que la droite a participé à ce lent effondrement, amorcé dès avant 1968. En 1967, le ministre de l’Education de l’époque, Alain Peyrefitte, avait lui-même élaboré un plan de réforme, interrompu par les événements de mai, qui prévoyait déjà la suppression du cours magistral et des leçons apprises par cœur, le développement de l’expression orale, la suppression du latin en 6 e et en 5 e, etc. (1). C’est ce processus d’appauvrissement, au nom du plus petit dénominateur commun,  qui doit prendre fin. Auditionné par le Sénat le 2 avril dernier, Laurent Lafforgue, mathématicien, médaille Fieds, membre éphémère du Haut Conseil de l’Education, a avoué : « Je ne fais plus confiance à l’école républicaine, à laquelle ma famille et moi-même avions tellement cru, pas plus qu’à l’école privée sous contrat, qui a malheureusement suivi le même chemin ». Selon lui, la déroute est telle aujourd’hui, hormis quelques petits îlots d’instructions dans de rares écoles publiques ou privées sous contrat, qu’il va être de plus en plus nécessaire, pour les parents d’élèves soucieux de l’avenir de leurs enfants, de se tourner vers les écoles hors contrat, qu’ils pourraient eux-mêmes mettre en place. De telles initiatives se développent déjà. Lafforgue explique : « Notre école primaire était sans doute, il y a 50 ans, la meilleure au monde. Il a fallu des décennies pour la détruire. Inversement, même la meilleure politique du monde, il faudra des décennies pour la reconstruire ». L’Asie a pris le relais de l’excellence. Je participerai, ce lundi, à On refait le monde, sur RTL (19h15-20h). Je participerai, mardi, à Choisissez votre camp (9h45-11h), puis à un débat sur Sud-Radio (12h12h30) (1) Ce plan est in extenso en annexe du troisième tome de C’était de Gaulle, d’Alain Peyrefitte (éditions Fallois/Fayard 2000)

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