Anne Hidalgo va porter plainte contre la chaîne de télévision américaine conservatrice, Fox News. La maire de Paris lui reproche d’avoir publié un reportage sur l’existence de « No go zones » au cœur de la capitale, c’est-à-dire de quartiers interdits aux non-musulmans. Le Petit Journal de Canal + s’est largement fait l’écho de cette désinformation, pour laquelle la chaîne s’est, depuis, excusée à plusieurs reprises. Cependant, c’est la même outrance que reprend Manuel Valls quand il évoque un « apartheid territorial, social et ethnique » pour caractériser des banlieues. « Ce sont des mots forts mais il faut dire les choses clairement pour être entendu », a-t-il expliqué mardi. Le premier ministre a évidemment raison d’appliquer une démarche réaliste sur l’échec du « vivre-ensemble », présenté comme une réussite par le discours automatique. Mais il a tort d’employer un mot inadéquat, qui n’a d’autre but que de victimiser les « quartiers populaires » et de culpabiliser toujours davantage la république bonne fille. Outre le fait que l’apartheid, régime appliqué naguère en Afrique du Sud, désigne un racisme d’Etat dont le chef du gouvernement se rendrait dès lors lui-même complice, ce terme consacre une ségrégation imposée. Il laisserait donc entendre que ces quartiers seraient bel et bien interdits, en effet, aux non-musulmans, comme le prétendait Fox News parlant de certains arrondissements. Or ce n’est pas exact. S’il y a bien une fracture identitaire (titre de mon livre paru chez Fayard en 2007), aujourd’hui admise pas tous, il n’y a pas de séparatisme décrété. Si cette issue devait un jour se produire, ce serait par la volonté d’une population rétive à l’intégration et tentée par la rupture. Le défi qui est posé à la politique est de faire cohabiter, en France, la civilisation musulmane, importée par l’immigration de peuplement, avec la civilisation occidentale. Comme je rappelais cette évidence, mardi matin chez Valérie Expert (LCI), l’UMP Thierry Solère a cru devoir s’indigner bruyamment en reprenant les poncifs des autruches du politiquement correct. Mais si la droite elle-même se terre encore dans le déni, il n’y a aucune chance de voir le monde politique se réconcilier avec la société civile. Car s’il y a un apartheid, il serait plutôt à rechercher dans la rupture des « élites » avec le peuple, ce témoin privilégié. Le gouffre qui les sépare est immense. Or ce sont les Français que les élus tétanisés vont devoir écouter. Le 11 janvier, ils ont montré leur attachement à leur nation, à leur mode de vie, à leur civilisation. Aussi Valls fait-il preuve d’une grande légèreté quand il explique également qu’il refuse de parler d’ »intégration », « mot qui ne veut plus rien dire », pour lui préférer la « citoyenneté », ce terme galvaudé. « La République doit se faire à nouveau conquérante », a déclaré Jean-Pierre Raffarin, ce mercredi sur Europe 1. Le mot est bien venu. Pour cela, la République doit reprendre le terrain qu’elle a abandonné au communautarisme. Non, Manuel Valls, l’intégration est de ces exigences qui ne doivent pas être soldées, au contraire. C’est le maire de Rotterdam, Ahmed Aboutaleb, d’origine marocaine, qui vient de déclarer, à l’adresse des musulmans du Pays-Bas qui protestaient contre Charlie-Hebdo : « Si vous n’aimez pas la liberté, par pitié faites vos valises et partez ! Si ça ne vous plait pas que des humoristes fassent un journal (…) alors dégagez ! »
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