Le gouvernement est si peu convaincu par la réforme Taubira, examinée ce mercredi en conseil des ministres, qu’elle ne viendra devant l’Assemblée qu’après les élections municipales. Il est vrai que la réforme pénale, construite sur le procès d’un « tout carcéral » qui n’existe d’ailleurs pas, vient à rebours d’une demande de sévérité accrue contre une délinquance de plus en plus violente. Christiane Taubira commet l’erreur de croire, reprenant les poncifs de l’angélisme pénal dénoncé par Alain Laurent (1), que la prison serait criminogène et que le condamné serait victime de la société. Si cette vision comble d’aise Libération, qui vante « La prison hors les murs », elle n’est pas conforme aux réalités. Certes, les conditions de détention sont souvent déplorables. Mais elles poussent moins à la récidive que le contexte idéologiquement anti-punitif. Et laisser croire en l’irresponsabilité du condamné est une négation de sa condition d’être libre et autonome. « La plus sûre origine du crime, c’est le criminel », rappelle Laurent. Ceux qui agitent l’humanisme pour vider les geôles oublient que cette morale exige d’abord de sanctionner ceux qui méprisent la personne au point de la tuer ou de la violer, ou qui la respectent si peu qu’ils croient pouvoir l’agresser ou la voler. Relire Tocqueville : « C’est une grande cruauté pour les bons que la pitié pour les méchants ». La société à l’obligation de se défendre de l’insécurité qui s’installe, de la barbarie qui vient. Au risque de voir les citoyens s’armer et s’auto-organiser. « Le criminel est un despote », écrivait Cesare Beccaria. Or c’est le message inverse que fait passer cette réforme. Elle laisse croire en la culpabilité d’une justice trop brutale, ce qui est inexacte : les taux d’incarcération français sont très inférieurs à ceux de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne ou, plus encore, des Etats-Unis. Chercher à instaurer des peines sans punition : telle est la philosophie saugrenue de la nouvelle « probation », mesure la plus contestable du dispositif Taubira. Elle permettra, pour des délits n’excédant pas cinq ans de prison, de remplacer la détention par d’aimables et indolores mesures d’accompagnements, pour lesquelles Jean-Marc Ayrault vient de déloquer 1000 postes supplémentaires. Certes, les prisons surpeuplées font honte. Certains détenus n’y ont peut être pas leur place quand il s’agit de petits délinquants routiers récidivistes, d’étrangers en situation irrégulière ou de petits trafiquants de drogue. Il est urgent de construire des prisons dignes de ce nom. Mais la société doit cesser d’avoir peur de punir.(1) Alain Laurent, En finir avec l’angélisme pénal, Les Belles LettresJe participerai, ce mercredi soir, à un débat sur Public-Sénat (dans le journal de 22 heures)
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