Un pas est franchi : évoquer un rapprochement des droites n’indigne plus les maîtres de ballet. Sur ce sujet comme sur d’autres, se vérifie la remarque de Schopenhauer : « Toute vérité franchit trois étapes : d’abord elle est ridiculisée. Ensuite elle subit une forte opposition. Puis elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. » Votre serviteur, qui a enduré la première étape en décrivant la centralité de la crise identitaire, confirme le constat : les infamies se tarissent. Il est devenu banal d’évoquer la submersion migratoire, la perméabilité des frontières, la dangerosité de l’islam politique, le renoncement à protéger la nation. L’idée fixe est une opiniâtreté qui a permis à Ulysse de triompher des tempêtes et des pièges pour rejoindre son Ithaque, comme le rappelle brillamment Sylvain Tesson (1). Cet entêtement peut aussi devenir une vertu pour ceux qui refusent de se laisser distraire ou décourager. C’est ainsi que les interdits finissent par voler en éclats sous la force du bon sens.
Le ralliement des droites, embourbées dans leurs tranchées, fait partie de ces dénouements inévitables. L’Italie, maintenant dirigée par une coalition antisystème en dépit d’une tentative d’obstruction vite dénouée, offre un exemple à suivre de près. Si la défense de l’euro a servi de prétexte au président de la République, Sergio Mattarella, pour tenter de mettre au pas les deux alliés (la Ligue et le M5S), il n’a rien trouvé à redire au projet de Matteo Salvini (la Ligue) d’expulser 500 000 clandestins. « La planque, c’est fini. Les clandestins doivent faire leurs valises et partir dans le calme », a déclaré ce dernier, nommé ministre de l’Intérieur. En Italie comme ailleurs en Europe, le problème migratoire suffit à constituer des rassemblements souverainistes contre la globalisation. Les querelles économiques sur la place du libéralisme passent au second plan dans cette mobilisation pour la reconquête des cultures oubliées.
Le choix d’Emmanuel Macron pour le postnationalisme, la souveraineté européenne et l’ouverture à la mondialisation devrait être une raison suffisante pour obliger les droites à passer outre d’archaïques « lignes rouges » : celles-ci interdisent de consolider tout front commun, au bénéfice du pouvoir en place. (La suite ici)
(1) « Un été avec Homère », Éditions des Équateurs, 2018.
Je participerai, ce vendredi, à L’heure des pros, sur CNews (9h-10h30) , puis, sur cette même chaîne, à Ca se dispute ( 19h-20h)

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