« Nauséabond » : l’adjectif s’est installé dans le vocabulaire des amis de la pensée conforme. Ils ne veulent rien voir avec leurs yeux, rien entendre avec leurs oreilles. Alors que les bulles idéologiques éclatent les unes après les autres et dévoilent leurs désordres, le discours dominant agite encore ses gousses d’ail devant ceux qui résistent à la rhinocérite et ses endoctrinements. Comme le Béranger d’Ionesco, ces réfractaires répliquent : « Je ne vous suivrai pas ! Je ne capitule pas ! ». Mais, eux, sont nombreux.
Le traitement médiatique de l’agression d’un étudiant par quatre adolescents, une nuit dans un bus parisien, illustre à quel point le politiquement correct, qui nie l’existence de ce qui ne devrait pas être, constitue la novlangue officielle. Cependant, celle-ci, contournée par les nouveaux modes de communication, ne tient plus qu’à un fil. L’histoire de la chute annoncée de ce monde en trompe-l’œil retiendra que le scandale du passage à tabac résulta moins de sa sauvagerie que de sa révélation… nauséabonde. Les censeurs n’ont plus que ce mot en bouche.
Pour eux, non seulement il faudrait taire la barbarie qui vient (une banale rixe entre bandes de cités a fait un mort, mardi, près de la gare de Lyon à Paris) mais c’est l’extrême droite que l’antiracisme a désignée comme responsable de l’émoi public. Frappé aux cris de « Fils de pute ! » et « Sale Français !  », l’étudiant de Sciences Po-Paris s’est rallié à l’indignation convenue, en assurant n’avoir rien entendu, en excusant ses agresseurs « drogués ou ivres » et en faisant remarquer que l’un d’eux avait « une couleur de peau très pâle ». Hier, il a porté plainte contre la diffusion de la vidéo.
S’il est un élément favorable au vote protestataire, qui aux Pays-Bas pousse le populiste Geert Wilders vers le pouvoir, c’est cette résignation devant une violence qui n’émeut ni Halde, ni Mrap, ni SOS Racisme. L’occultation, mise au jour par l’ébruitement du tabassage, veut préserver un monde harmonieux. Mais ce sot mensonge ne peut qu’être rattrapé par les faits. Le temps de la glasnost, souvent espéré ici, est venu. L’Internet a obligé les chaînes de télévision à relayer, dans leurs journaux du soir, ce fait divers qui aurait été ignoré hier. Rien de nauséabond dans cette démarche : la démocratie a tout à gagner à s’émanciper des dénis et à se colleter avec le réel. N’est-ce pas ce qu’attendent les électeurs ?
Danger pour la démocratie Ces excuses à la violence et au racisme anti-Français, apportées par la propre victime du bus en écho aux autres belles âmes (dont Sciences Po-Paris semble être une pépinière), sont un danger pour la démocratie. D’autant qu’elles s’ajoutent à une suite de flatteries politiques pour des actions radicales de salariés ou d’altermondialistes qui dépassent le registre des conflits sociaux ou des protestations de rues. Le saccage d’un quartier de Strasbourg par des manifestants anti-Otan, parmi lesquels Olivier Besancenot, n’a pas été dénoncé par le leader du NPA. Les légitimations, par Ségolène Royal ou Martine Aubry, des séquestrations de patrons (dire : « retenues » ou « maintien sur le site ») sont autant d’atteintes aux libertés perpétrées par cette même gauche qui dénonce un régime liberticide. Parlant de ces chefs d’entreprises pris en otages, le chef de l’État a heureusement déclaré : « Je ne laisserai pas faire les choses comme ça. » Mais il a, lui aussi, soufflé sur les braises, en parlant haut et fort des « patrons voyous » tandis que l’immense majorité des entrepreneurs honnêtes avaient droit à moins d’emphase.
Esprit de résistance Les Français seraient-ils gagnés par cet esprit de résistance qu’illustra Maurice Druon, mort mardi ? Quand 50 % des sondés se disent opposés, lundi, à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (35 % favorables), c’est bel et bien un pays « islamiste modéré » qui est rejeté, et massivement par les sympathisants du MoDem (71 %) et de la droite (67 %). Mais quand la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) recommande, mercredi, de supprimer les conditions de nationalité pour ouvrir sept millions d’emplois, majoritairement publics, aux étrangers extra-européens, c’est l’idéologie immigrationniste qui repart à la charge. Or son obsession, qui consiste à pousser la nation à ne plus s’identifier à ses citoyens, tient de la provocation quand les Français se disent réfractaires au relativisme et à la perte de sens. La révolution conservatrice, qui trouve dans la crise l’accélérateur d’un retour aux valeurs et peut-être aux religions (comme ce fut le cas aux États-Unis dans les années 1990), pourrait bien, d’ailleurs, remettre l’Église catholique dans l’air du temps, contrairement à ce que les hystéries contre Benoît XVI peuvent laisser croire. Déjà, il est intéressant de noter que Mgr Vingt-Trois, archevêque de Paris, rappelle que l’Église n’a pas à se « conformer à la pensée correcte de son temps ». Le porte-parole du Pape, Federico Lombardi, vient même de critiquer Alain Juppé, qui avait mêlé sa voix à celle des procureurs du Souverain Pontife. L’Église se fâcherait-elle aussi ?
« Année de crises » Aux lecteurs, toujours fidèles : les blocs-notes de 2008 viennent de paraître aux Éditions de Passy, sous le titre Chronique d’une année de crises .
(Le prochain bloc-notes sera publié le 8 mai, mais je ne m’éloigne pas du blog d’ici là)

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