« (…) Il a commis une impardonnable faute morale », a
commenté, mardi, le président de la République en apprenant le mensonge d’Etat
de son ancien ministre du Budget, récemment démissionné de ses fonctions. Après
trois mois de dénégations solennelles, Jérôme Cahuzac a soudainement avoué à la
justice posséder effectivement un compte à l’étranger. Mais François Hollande,
qui avait promis une « République irréprochable », ne pourra se contenter
de cette courte et élémentaire indignation. Un soupçon d’indulgence pèse sur le
chef de l’Etat, son premier ministre, le ministre de l’économie, le parti
socialiste. Après l’affaire Dominique Strauss-Kahn, la gauche morale et
donneuse de leçons a des comptes à rendre sur sa propre vigilance, sa légèreté,
son cynisme face aux vérités. Car, enfin ! Ce n’est pas Cahuzac qui
disqualifie à lui seul la parole des sermonneurs. Le mensonge, qui
est au cœur des effarements socialistes, est une pratique courante dans les
allées du pouvoir. C’est Hollande qui a fait croire qu’il
saura mener la France, qui a annoncé la fin de la crise de l’euro ou
la baisse du chômage pour la fin de l’année. Cahuzac est le produit odieux d’une
pratique politique trop souvent construite sur le déni de l’évidence, l’arrogance
du parvenu, la fausse promesse du démagogue, l’abus de confiance du prestidigitateur.
La crise de confiance entre les citoyens et leurs représentants n’a pas attendu
les confidences du repenti pour exister. L’affaire d’Etat révèle seulement l’ampleur des dégâts.
Ce n’est pas uniquement le monde politique qui est gravement
ébranlé, aux yeux de l’opinion. La presse et la justice ne s’en sortent guère
mieux. Les quelques informateurs qui ont choisi d’alimenter Médiapart, après
avoir démarché en vain d’autres supports, l’ont fait dans un premier temps pour
contourner la justice et assouvir publiquement les désirs de vengeance d’un ancien
adversaire politique de Cahuzac et de son épouse, engagée dans un divorce tendu.
Dans son édition de mercredi, Le Canard Enchaîné rappelle pourquoi la grande
majorité des médias, lui y compris, a « regardé le début de la pièce avec
prudence et circonspection ». Les fausses accusations médiatiques dans les affaires
Baudis ou Clearstream sont des précédents qui ont rendu prudents beaucoup de
journalistes, qui ne sont pas des justiciers. Mediapart sort vainqueur de cette
affaire, après avoir brûlé des feux rouges et alimenté la désastreuse confusion
entre la presse et la justice. Je prends acte de cette victoire. Mais je persiste
à penser qu’il aurait été plus sain, pour la démocratie, que les dénonciateurs
des turpitudes du ministre de la lutte contre la fraude fiscale saisissent directement la justice, qui est là pour ça.
A moins d’en conclure qu’elle aussi est devenue une institution suspecte de
parti pris, de double jeu, de dépendance, d’incompétence. Combien
de temps ce monde vermoulu teindra-t-il encore debout ?
Je participerai, jeudi, à On refait le monde, sur RTL
(19h15-20h), puis à un débat sur Public-Sénat (22h -23h)

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