La « pensée complexe » d’Emmanuel Macron ressemble à une pensée confuse. Ceux qui s’emballent sur la qualité du discours prononcé par le chef de l’Etat, lundi soir devant la Conférence de évêques de France, s’accommodent d’imprécisions fâcheuses. Boileau n’est pas l’auteur de prédilection du président. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », écrivait le styliste. Or je m’étonne que personne ne s’étonne du mauvais usage que fait Macron du mot « lien », ou de l’approximation qu’il donne au mot « racine ». C’est lui qui a tweeté, en résumé de son discours fleuve : « Le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, il nous incombe de le réparer ». Evoquant également les racines chrétiennes de la France, écartées de la Constitution européenne par les parlementaires, il a dit : « Ce ne sont pas les racines qui importent, car elles peuvent aussi bien être mortes ; ce qui importe c’est la sève et je suis convaincu que la sève catholique doit continuer encore et toujours à faire vivre notre nation ». Ceux qui critiquent l’évocation d’un lien à rétablir entre l’Eglise et l’Etat ont raison d’y voir une contradiction avec la règle de leur séparation, qui implique l’absence de toute dépendance. Cette autonomie est constitutive de la laïcité française et de la doctrine catholique qui, contrairement à l’islam, sépare le temporel du spirituel. D’autre part, évoquer l’existence d’une sève issue de racines qui pourraient être mortes est une incohérence botanique qui ajoute au flou de la démonstration.
L’éloge de la spiritualité et de « la part sacrée qui nourrit tant de nos concitoyens » est assurément un propos élevé qui s’inscrit parfaitement dans une laïcité ouverte aux suggestions religieuses et à leur dialogue avec l’Etat. Macron corrige au passage son image de banquier technocrate. Cependant, celui-ci est trop avisé pour que ses imprécisions ne soient pas calculées. De la phrase exacte de son introduction (« Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé (…) »), le mot « confusément » est celui qui dit le mieux, me semble-t-il, une insincérité. D’autant que le chef de l’Etat entretient un autre amalgame entre l’Etat et la nation, quand il réaffirme « les liens les plus indestructibles entre la nation et le catholicisme ». Ces liens-là sont, eux, une évidence historique et culturelle à préserver. Mais pourquoi Macron n’ose-t-il pas alors inscrire les racines chrétiennes de la France dans la Constitution ? Pourquoi n’affirme-t-il pas clairement que la laïcité française est menacée par les assauts de l’islam politique, qui veut sa visibilité dans l’espace public ? Et pourquoi ne dit-il pas non plus, dans son discours, par qui les Chrétiens d’Orient sont « persécutés ? » Cela fait des mois que le chef de l’Etat diffère sa position sur la laïcité, qu’il cherche visiblement à concilier avec une nouvelle religion, l’islam, qui est étrangère à cette séparation. Son opération de séduction est-elle si… catholique ?
Je participerai, ce mercredi, à 24heures Pujadas, sur LCI (18h05-19h25)

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