La politique sanitaire doit-elle avoir raison des libertés publiques, des lois économiques, des conséquences sociales d’une crise généralisée ? Il y a un mois – une éternité – je posais ici la question : « Les politiques et les médias n’en font-ils pas trop sur le coronavirus ? » (blog du 4 mars). La France ne comptait alors que quatre victimes et de nombreux médecins parlaient de méchante grippe. Le confinement n’était encore qu’une hypothèse évoquée par le gouvernement, et le système hospitalier français était toujours présumé exemplaire. Avec le recul, mon analyse d’hier pêche par sa légèreté dans l’évaluation du danger. Les manques n’étaient pas encore identifiés. De fait, le pouvoir a eu raison de se résoudre au confinement généralisé, faute de masques, de tests, de lits de réanimation suffisants. Faute de tout. Reste que ma crainte de voir l’Etat aux abois se laisser aller à une pente étatique et centralisée se justifie de jour en jour. Ce mercredi, le gouvernement travaille ainsi à la possibilité d’identifier les chaînes de transmission du virus par la technique du « traçage » (« tracking ») sur les smartphones, que possèdent désormais huit Français sur dix. Depuis la loi sur l’état d’urgence sanitaire du 23 mars, le gouvernement a toute latitude pour limiter par décrets les libertés d’aller et venir, d’entreprendre, de se réunir, etc. Des maires sont libres d’accentuer les contraintes, souvent inutilement punitives : à Paris, le jogging est interdit depuis ce matin, de 10h à 19h. Une chape de plomb s’est abattue sur le pays, balayant les libertés élémentaires. Ces mesures exceptionnelles peuvent s’admettre pour un temps. Mais il ne faudrait pas que le pouvoir, dépassé, prenne goût à ce despotisme au prétexte de « faire la guerre » au Covid-19. Rien ne dit que les libertés perdues se retrouveront intactes demain. D’où la question que je repose, un mois après : la France n’en fait-elle pas trop ? La civilisation a fait un énorme progrès en privilégiant l’homme avant tout. Qui ne peut applaudir à la victoire de la vie sur l’argent ? L’existence humaine n’a pas de prix, et ceci est une excellente nouvelle. En 1969, la grippe de Hong-Kong avait tué en France 30.000 personnes dans l’indifférence générale, dont 25.000 en décembre, comme le rappelle ce mercredi Chantal Delsol dans Le Figaro. Mais le remède sanitaire ne risque-t-il pas de devenir, très vite, plus dangereux que le mal ? Non seulement les libertés publiques sont en train d’être gravement abîmées, mais la crise économique s’annonce socialement effroyable. En France, chaque quinzaine de confinement fait reculer le PIB d’un point et demi sur un an. Il est acquis que le monde entier va connaître une récession, avec des chômeurs et, très probablement, d’autres morts terrassés par la précarité. La France a dépassé les 10.000 morts, c’est-à-dire l’équivalent d’une grippe annuelle. Statistiquement, il est peu probable que le coronavirus laisse, in fine, une trace très visible dans la moyenne habituelle des 1600 morts par jour. Il est certain que si les gens restent assignés chez eux, ils ne rencontreront pas le microbe. Mais dans quel état sortiront-ils un jour ? Les enquêtes dévoilent (Le Monde, mardi) que 37% des confinés montreraient des signes de détresse psychologique. Quelle est la place à accorder au risque, pour pouvoir sortir du confinement que le Conseil scientifique entend, ce mercredi, prolonger au-delà du 15 avril? C’est à cette question qu’il faudrait répondre. Qu’en pensez-vous ? Je participerai, ce mercredi, à L’heure des pros 2, sur CNews (20h-21h)

Partager cet article
S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires
0
Laisser un commentairex