Christiane Taubira n’est pas Paul Verlaine. Elle ne croit pas, contrairement au poète incarcéré à Mons, aux vertus rédemptrices de la prison. C’est pourquoi la garde des Sceaux veut relâcher nombre de délinquants en application d’une réforme largement influencée par le syndicat de la magistrature. Pourtant, c’est un de ses membres, président du tribunal correctionnel de Cayenne, Stéphane Rémy, qui vient de condamner à neuf mois de prison ferme et 50.000 euros d’amende une femme qui avait comparé la ministre de la Justice à un singe. Ce jugement est d’une sévérité absurde qui contredit la politique suivie. Il confirme s’il le fallait la politisation d’une partie de la justice mise au service de celle qui dirige l’institution. Il donne également au passage un relief supplémentaire au lapsus de François Hollande qui, parlant de Nicolas Sarkozy le 14 juillet, a rappelé que chacun était « prisonnier… présumé innocent ». En France, il est possible de crier « Mort aux Juifs ! », mais il peut en coûter très cher d’irriter le pouvoir, son prince, sa cour. La poutinisation des esprits gagnerait-elle la gauche dite humaniste?
La bêtise d’Anne-Sophie Leclère, propriétaire d’un magasin d’articles de pêche à Rethel (Ardennes), est une chose entendue. C’est cette femme, choisie comme tête de liste du FN aux municipales avant d’être exclue du parti, qui avait posté la photo d’un bébé singe à côté de celle de Taubira en suggérant une filiation. Elle s’était encore plus sottement défendue devant les caméras. Une plainte avait été déposée par le mouvement guyannais Walwari pour dénoncer « le fond idéologique d’extrême droite du parti de Marine Le Pen ». Il est vrai que ce parti, en quête de respectabilité, avait singulièrement manqué de vigilance en accordant son investiture à cette caricature de la beaufitude. Mais si la Justice a décidé de punir tous les crétins qui s’expriment et qui heurtent la décence élémentaire, sa tache s’annonce immense. La liberté d’expression est aussi la possibilité offerte aux imbéciles de s’exposer et de se disqualifier publiquement. Incarcérer la mégère de Rethel pour lui apprendre à penser mieux n’est pas le choix d’une justice sereine. Il lui revient de dire le droit, non de faire la morale.
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