La stratégie de diabolisation des Gilets jaunes, suivie par le gouvernement et les syndicats depuis deux semaines, a échoué. Hier, Emmanuel Macron a dû reconnaître implicitement sa défaite en disant « comprendre » leur « colère sourde » et en invitant leurs représentants à rencontrer, le jour même, François de Rugy, ministre de la Transition écologique. Ce mercredi, le premier ministre s’est dit à son tour prêt à recevoir une délégation représentative. A l’issue des premières manifestations du 17 novembre, Edouard Philippe avait préféré dénoncer « l’anarchie, la pression, la violence » de certains protestataires. Rugy, lui, avait mis en relief des « agressions racistes et homophobes ». Le leader de la CFDT avait évoqué « une forme de totalitarisme », tandis que la CGT avait parlé « d’idées xénophobes, racistes, homophobes ». Sans oublier les « fake news » de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, accusant faussement « l’ultradroite » d’avoir infiltré la manifestation du 24 novembre sur les Champs-Elysées, ou les délires complotistes de Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, évoquant « la peste brune » derrière la foule provinciale « montée » à Paris pour exprimer son exaspération. Résultat : le chef de l’Etat, qui avait réussi à rendre inopérantes les oppositions traditionnelles, se retrouve désormais face à un nouvel acteur politique, indomptable, qu’il a eu grand tort d‘humilier et d’insulter. Les Gilets jaunes sont l’émanation de la société civile que Macron disait représenter. Ils ont réussi à ôter le masque du président : lui qui se réclamait du nouveau monde n’était que la continuité du monde ancien, vertical, centralisé, technocrate, autoritaire. Se dévoile au grand jour la grande mascarade dénoncée par votre serviteur dès les premiers jours.
La gauche, qui commence à mesurer l’envergure sociale des revendications de cette France invisible, ne pourra se contenter de courir après les Gilets jaunes pour se refaire une vertu. Ce sont les progressistes, dont se réclame le chef de l’Etat, qui ont participé à la marginalisation des Oubliés qui enragent aujourd’hui et entendent manifester à nouveau, ce samedi 1 er décembre, sur les Champs-Elysées. En 2012, le laboratoire d’idées Terra Nova avait réussi à convaincre le parti socialiste d’abandonner électoralement le « petit Blanc », pour lui préférer la nouvelle clientèle des jeunes, des femmes et des nouvelles populations immigrées. La gauche est-elle prête aujourd’hui à revoir sa préférence étrangère ? Le tabou est loin d’être levé. Quant à la droite, qui participe aussi largement au soutien du mouvement populaire, elle s’oblige à s’éveiller davantage sur la paupérisation d’une partie de la France périphérique : un électorat que François Fillon avait sans doute trop négligé. Entendre François-Henri Pinault, patron du groupe de luxe Kering, dire « comprendre » le mouvement des Gilets jaunes, ce mercredi sur RTL, laisse voir combien la question du pouvoir d’achat est reconnue comme importante, y compris aux yeux des bourgeois libéraux. Reste que le mouvement actuel dépasse les seules questions sociales et fiscales. En exigeant des référendums et une « assemblée citoyenne », les Gilet jaunes rappellent surtout que la démocratie est en crise de représentativité. La nouvelle révolution française ne fait que commencer.
Je participerai, ce mercredi, au Club Pujadas sur LCI (18h-20h30)Je participerai, jeudi, à Punchline, sur CNews (18h-19h40)
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