Laurent Fabius aurait mieux fait d’ignorer Georges Frêche. Parce que le tonitruant président du conseil régional de Languedoc-Roussillon a dit de lui, le 22 décembre : il a « une tronche pas catholique », l’ancien premier ministre socialiste a estimé, lundi sur RTL, que ces propos avaient « évidemment un caractère antisémite » : une accusation rejoignant celles des ligues de vertu, PS en tête, qui auront mis plus d’un mois avant de réagir aux provocations du potentat. Or, l’instrumentalisation de l’antisémitisme, à travers de dérisoires réquisitoires, permet au virus de se répandre au nez des prétendus indignés.
Le grotesque est atteint, en effet, quand l’usage d’une expression anodine, dénuée de considération religieuse, devient une cause mobilisant les pavloviens. En l’occurrence, l’affaire a incité le PS à lâcher Frêche, mardi, pour tenter de s’allier aux Verts, voire à l’extrême gauche. Mais ces formations sont celles qui, en janvier 2009 à Paris et sous couvert d’antisionisme, avaient participé aux manifestations propalestiniennes au cours desquelles des drapeaux israéliens avaient été brûlés et où les propos antijuifs excitaient la foule. Comment, dès lors, prendre au sérieux cette pantalonnade ?
Les émois pharisiens étalent leurs excès. Les « discours stigmatisants » et « nauséabonds » sont désormais des expressions lâchées en boucle. Jean-Claude Gaudin, sénateur maire de Marseille, est accusé d’avoir tenu « des propos terrifiants » pour avoir évoqué « un déferlement de musulmans » venus fêter sur la Canebière, sous les couleurs algériennes, une victoire de l’Algérie en football. Le maire UMP de Franconville, Francis Delattre est étiqueté raciste pour avoir dit de son concurrent PS, Ali Soumaré, d’origine malienne : « Au début j’ai cru que c’était un joueur de l’équipe de réserve du PSG.3 S’il s’agit d’interdire la vulgarité en politique, la tâche s’annonce gigantesque…
Beaucoup de Français ne comprennent plus les précieux ridicules. Frêche a beau jeu de rappeler que plus les partis le victimisent, plus il gagne des voix. Qu’attendent les prêcheurs en dignité, à l’affût du gros mot, pour dénoncer le vocabulaire employé parfois par « la diversité » (c’est-à-dire la population d’origine immigrée) pour désigner ceux qui ne lui ressemblent pas ? Pourquoi taisent-ils la culture antijuive qui vaut à l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, qui tente un rapprochement avec la communauté juive, d’avoir dû quitter sa mosquée, vendredi, sous escorte policière ? Les distributeurs de bons points disent ne pas vouloir perdre leur âme. Pour eux, ni les mots ni les faits n’ont plus de sens.
Vigies aveugles Les diabolisations sont mises en scène par des vigies aveugles. Certes, Gaudin est maladroit quand il parle de « musulmans » pour désigner des supporteurs marseillais de l’équipe algérienne. Mais leurs manifestations identitaires et nationalistes de ce soir-là, qui ont fait de la France l’oubliée derrière leurs drapeaux de l’Algérie, ont de quoi interroger l’observateur sur la solidité de la solidarité nationale. Cependant, une telle question ne saurait être exprimée auprès de ceux qui préfèrent le confort des clichés « vivre ensemblistes ». La manière dont le débat sur l’identité nationale (forcément « nauséabond ») a été sabordé est révélatrice du manque de courage de ceux qui s’appliquent à se tromper de cibles.
Le colloque sur ce sujet, prévu hier, sera remplacé par un séminaire gouvernemental, lundi : une décision qui prend acte de l’échec relatif de l’initiative, mal préparée, mal assumée et boycottée de surcroît par la gauche. Mais il est faux de croire les Français indifférents à leur devenir, que la pensée labellisée aimerait laisser à la seule « diversité ». C’est à elle que s’adresse le gouvernement quand il dit vouloir des quotas dans les grandes écoles ou des internats d’excellence dans des cités. C’est elle qui est visée quand il parle d’aider plus généralement la « classe populaire ». Mais cette ségrégation, qui délaisse un peuple autochtone guère mieux loti, porte une inégalité. La Halde n’a-t-elle soudainement rien à dire ?
Dangereux pouvoir des juges Ces fausses querelles, mots détournés, réalités travesties ne peuvent qu’alimenter le soupçon qui gagne l’opinion. La société de défiance oblige les politiques à surjouer en permanence la proximité et la compassion. Désormais, ils promettent une nouvelle loi à chaque escalade dans le fait divers : ainsi viennent d’être aggravées les peines pour les agressions de personnes âgées. Même la justice est ébranlée. Parce que le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, a fait appel du jugement relaxant Dominique de Villepin dans l’affaire Clearstream, nombre de commentateurs semblent découvrir la fiction de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Certes, Marin a assuré cette semaine avoir pris sa décision seul et non sous la pression de l’Élysée. Mais la justice n’a jamais été un pouvoir (c’est une autorité) et le lien hiérarchique qui soumet le parquet à l’exécutif est une permanente réalité. Faudrait-il mettre totalement fin à cette dépendance afin d’éteindre le procès d’une justice aux ordres ? Le risque de consolider un pouvoir des juges, incontrôlables, serait probablement pire que le mal.
Rupture assumée Le Nouveau parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot , parti marxiste et… religieux ? Il présentera une femme voilée, « féministe et laïque », sur ses listes du Vaucluse pour les régionales. L’islam radical assume ainsi sa rupture avec la démocratie libérale. Pourquoi, dès lors, tant de complaisance à son égard ?
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