Il était temps. Vingt ans après la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, la France expérimente à son tour la libération des esprits et ses effets. Les mois prochains diront quel sort aura été réservé par le gouvernement à son initiative d’un débat sur l’identité nationale, ouvert lundi. Mais les circuits mis en place, balisés par les préfectures et « les forces vives de la nation », risquent d’être débordés, tant le besoin de dire les choses est partagé par de nombreux Français jusqu’alors assignés au silence. La pensée officielle aura du mal à résister à la libre expression de ceux qui s’inquiètent du déclin de leur nation amnésique.
Les opposants à cette initiative précipitée, lancée par l’ex-socialiste Éric Besson, ont raison de faire valoir qu’il ne revient pas à l’État de décider, sous l’égide des préfets, ce qui fait l’âme et la spécificité d’une nation. Mais c’est parce que cette question appartient à tous que le PS, suspicieux et tourmenté, devrait y prendre sa place. N’aurait-il rien à dire, sorti des sentiers battus du pouvoir d’achat ou de la protection de La Poste de sa privatisation (pourtant souhaitable vu son état, mais passons…) ? Se débiner, comme il le fait, n’est pas courageux.
C’est d’ailleurs la lâcheté, de la gauche et de la droite, qui risque d’être dénoncée au fil des innombrables commentaires. Lâcheté de ceux-ci, qui ont amené l’Éducation nationale à brader la langue, la culture, l’histoire au nom de la table rase, de l’hyperégalitarisme, du respect de l’autre. Lâcheté de ceux-là, qui n’osent dire non aux récentes exigences de l’islam politique, soucieux de voir la charia (loi islamique) subvertir progressivement l’espace public, y compris via les entreprises et l’économie. Les dirigeants entendront-ils ces griefs ?
Un réveil des consciences populaires prend forme, que le gouvernement se devra d’accompagner s’il ne veut pas voir l’extrême droite canaliser les frustrations qui surgissent. L’erreur serait pour lui de s’enfermer dans l’idéologie ambiguë du « métissage impératif  », ce relativisme défendu par Nicolas Sarkozy en décembre 2008 en contradiction avec ses discours électoraux sur « la France éternelle ». Cet éloge déguisé du multiculturalisme, qui encourage les cultures à s’affirmer à l’exception de celle du pays hôte et millénaire, est au cœur du malaise français.
Travail de mémoire C’est moins l’immigration qui est le plus grave problème posé à l’identité que les doutes qui habitent la France sur ses croyances, ses valeurs, son exemplarité. Comment attendre des nouveaux venus qu’ils s’identifient à une nation démoralisée et gagnée par l’abandon, au point de ne plus oser demander à l’école qu’elle préserve ses originalités, ses traditions ? En cela, la critique de Martine Aubry tombe à plat quand elle dit voir dans ce « débat malsain » une mise en cause des immigrés. Il n’est certes pas interdit de s’interroger sur la légèreté des élites qui persistent à laisser s’installer des peuples étrangers à l’esprit occidental sans se soucier de leur intégration. Mais ceux-là ne sont pour rien dans le mal identitaire né d’un désintérêt de soi et d’un attrait pour l’uniformisation par le bas.
  »Nous pensons que l’identité de la France n’est pas ethnique, pas religieuse, pas culturelle », explique Aubry. S’il est vrai que « la France n’a jamais été l’expression d’une race », comme l’a rappelé François Fillon, c’est pourtant cette référence qui demeure chez ceux qui, à gauche, appellent au métissage présenté comme l’aboutissement de l’homme parfait, dont Barack Obama serait l’emblème (voir mon blog). En revanche la culture, qui puise dans l’héritage judéo-chrétien et gréco-romain, est bien constitutive du génie français. Rappeler ces racines dans notre Constitution serait d’ailleurs un moyen de lutter contre l’oubli. Seules les minorités auraient-elles le droit d’exiger le respect de ce qu’elles sont ?
Vouloir réduire la France aux droits de l’homme, à son modèle social et à ses services publics, comme le fait le PS, revient à entériner l’effacement progressif d’un peuple et à refuser à chaque civilisation le besoin vital, que leur reconnaissait Claude Lévi-Strauss qui vient de mourir, de se distinguer des autres. La réhabilitation des grandes œuvres littéraires, négligées au nom d’une non-discrimination dont La Princesse de Clèves (jugée superflue pour certains concours administratifs) a été récemment la victime, pourrait être une des réponses à apporter au travail de mémoire qui reste à entreprendre.
Les devoirs de la diversité Les « réseaux des élus de diversité », cités par Besson parmi les premiers interlocuteurs sollicités par le débat, ont bien sûr leur mot à dire. La consultation pourrait faire ressortir, d’ailleurs, l’épuisement de la politique d’assimilation et la nécessité de penser un nouveau modèle d’intégration. Mais ce débat devrait être aussi l’occasion de rappeler aux nouveaux venus, qui ont vécu l’élection d’Obama comme leur consécration, que l’histoire de la France ne commence pas avec eux. Ils ont des droits, mais aussi des devoirs, dont celui de faire l’effort d’adhérer à la communauté nationale, à ses règles, à sa laïcité. Le font-ils tous ?
Stopper les engrenages Christine Lagarde veut rendre le droit fiduciaire français compatible avec la charia afin d’accueillir la finance islamique. « La détermination de la France est intacte », assure-t-elle, après avoir essuyé la censure du Conseil constitutionnel. Ce sont ces engrenages qu’il serait temps de stopper.

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