Laurent Fabius accuse le pouvoir de ressortir « le triangle identité, insécurité, immigration » à l’approche des régionales. Pas faux. Mais est-il interdit d’être enfin cohérent ? L’ouverture à gauche a produit la prévisible démobilisation d’une partie de la droite. Les échéances électorales sont loin d’être acquises à la majorité, malgré la décrépitude de l’opposition. Le FN moribond reprend des forces et s’annonce comme un possible gêneur en mars. Le gouvernement peut-il, en quatre mois, retrouver la confiance des déçus ? Il a beaucoup à se faire pardonner.
À mi-mandat, Nicolas Sarkozy veut rattraper le temps perdu. Mais pourquoi avoir tant attendu ? Au débat sur l’identité s’ajoutent des déclarations contre les mariages de complaisance, les clandestins, l’insécurité, l’économie souterraine. Xavier Darcos et Éric Besson rivalisent pour sanctionner dans de nouveaux textes les responsables qui emploient des illégaux, alors que l’arsenal existe et ne demande qu’à être appliqué. Le chef de l’État annonce contre les voyous « la tolérance zéro et encore zéro ». Ce branle-bas de combat souligne les défaillances.
La dissuasion est si peu existante que plus de 5 000 sans-papiers employés dans des entreprises sont en grève depuis six semaines et exigent leur régularisation. Malgré l’expulsion des trois Afghans de Calais, Angers fait face à un afflux sans précédent de demandeurs d’asile venus d’Afrique, attirés par des réseaux de solidarité locale. Sarkozy a dû réitérer, mardi, les menaces d’enquêtes contre les signes extérieurs de richesse des dealers des cités. À Paris, des élèves du lycée technologique Jean-Lurçat font la loi et insultent leurs professeurs sans recevoir d’immédiates sanctions.
Ces réticences à agir, les électeurs les constatent. Singulièrement, l’électorat populaire qui avait rejoint l’UMP en 2007. Tant de pusillanimités font douter de la volonté du gouvernement d’affronter enfin ces récurrences. Quand Besson estime (dans Le JDD) braver le politiquement correct parce qu’il lutte contre les clandestins, ce qui est pourtant la moindre des choses, il dévoile en creux l’emprise idéologique qui fait réciter, depuis Jacques Chirac, que l’immigration est une chance pour la France. Hélas, elle est devenue aussi son problème. Au fait, qu’attendent les sondages pour creuser honnêtement ce sujet ?
Pas sérieux Il est d’ailleurs significatif de constater le décalage entre le discours convenu qui fut celui du président Chirac et sa perception du nouveau visage de la nation. Piégé, lundi, par un reporter de Canal +, on l’entend dire à Alain Juppé, en aparté à propos d’un Noir venu le saluer et avoir précisé : « Je suis de Lormont » (commune près de Bordeaux) : « À mon avis, il est pas tout à fait né… natif de… enfin bon ». Propos badins. Mais ils laissent comprendre que l’ancien chef de l’État n’a pas lui-même intégré cette nouvelle France qu’il a favorisée et qu’il renvoie, en privé, à ses origines. Étrange légèreté que celles des élites qui accompagnent l’air du temps.
Ce manque de sérieux est patent quand Martine Aubry réclame une « régularisation massive des étrangers sans-papiers » tout en déclarant que Sarkozy fait « honte à la France en voulant opposer identité nationale et immigration ». Elle parle là le langage automatique de la vieille gauche, sans s’interroger sur les échecs de la politique d’intégration. Il est vrai que les scènes, parfois violentes, de patriotisme algérien qui ont répondu, en France, à la victoire (en foot) de l’Algérie contre l’Égypte, au Soudan, ont été interprétées presque partout comme de sympathiques démonstrations d’une compréhensible allégresse. Ce déni du réel, toujours.
Fin d’une époque Ces lâchetés des uns, ces mascarades des autres sont évidemment du petit-lait pour le FN, dont les sondages et la virulence retrouvée des médias indiquent qu’il reprend lentement de la consistance. Il pourrait être l’arbitre de triangulaires dans huit régions en mars (Le Figaro, lundi). D’autant que Marine Le Pen, dédiabolisée par le PS dans l’affaire Frédéric Mitterrand, fait de visibles efforts pour lisser son discours et se démarquer des outrances paternelles. Dimanche (Grand jury LCI-RTL-Le Figaro ), elle en appelait « au retour de la laïcité et de l’égalité » tout en rendant hommage à l’appel du 18 Juin du général de Gaulle et en mettant en garde contre le communautarisme. Des propos que l’UMP pourrait tenir. Raison de plus pour que la majorité le fasse.
Reste que la politique d’assimilation dont le FN se veut le porte-drapeau ne semble guère plus réaliste que ses demandes d’immigration zéro. La physionomie du pays, théâtre depuis trente ans d’un peuplement extra-européen dont l’envergure a longtemps été dissimulée à l’opinion, oblige à abaisser la barre des exigences qui incitaient le nouveau venu à se fondre, jusqu’à oublier sa propre histoire et à franciser son prénom, voire son nom. D’autant qu’un sondage publié lundi par La Croix révèle une perte de substance de l’identité française, qui se résumerait en priorité aux droits de l’homme, à la langue et au système de protection sociale (voir mon blog ). Fin d’une époque ? À l’évidence, oui.
Flexibles insultes
Anyss Arib, étudiant à Sciences Po, a fait mardi la une de Libération et le tour de quelques plateaux de télévision pour avoir été, selon lui, insulté par un policier : « Dégage, sale Arabe ! » Insupportable, en effet. Mais pourquoi cette indifférence des médias devant les coutumiers : « Sales Français ! » ?
S’abonner
0 Commentaires
le plus récent