Ce qui s’avoue quand la parole se libère : la cohabitation avec l’islam sera le défi à résoudre pour l’Europe du XXI e siècle. La religion n’est pas en cause, ni la respectable dévotion musulmane que tout croyant ne peut qu’admirer. C’est, en revanche, la construction politique qui accompagne ce culte, dont les textes de référence ne différencient pas le spirituel du temporel, qui préoccupe les démocraties. Elles voient leurs règles utilisées par des néofondamentalistes pour tenter d’ébranler la laïcité. Pourquoi feindre encore de ne rien remarquer ?
Un même panurgisme, qui assure à Copenhague que l’Occident est seul coupable du réchauffement climatique, refuse d’analyser la tentation totalitaire portée par cette conception d’une société soumise. Au nom de la non-discrimination, ce système est exempté de responsabilité dans la crise existentielle qui traverse l’Europe. Le débat sur l’identité, que le conformisme refuse, serait devenu « un déversoir et un défouloir » selon Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité. Ce risque existe peut-être, tant les peuples perdent patience. Mais ce serait attiser les exaspérations que de refuser de poser des limites à l’islam en France.
La rapide émergence de ce tabou, que le vote suisse contre les minarets a achevé de briser, oblige à dire les choses. Or le déni, qui fut celui de bien des dirigeants face à la montée du communisme puis du nazisme, se retrouve chez ceux qui ne veulent pas voir les avancées de l’islamisme, dont l’idéologie rétrograde s’infiltre dans des cités majoritairement musulmanes, au nom du différentialisme défendu par les belles âmes. Une confuse référence à la suprématie coranique devient déjà, pour certains Français, le prétexte à ne plus obéir aux lois de la République. S’en accommoder, au prétexte de ne « stigmatiser » personne ?
L’apaisement est brandi par le politiquement correct, qui récuse les conflits et sacralise les minorités. Dimanche, Hervé Morin, ministre de la Défense, a justifié cette attitude. Elle vaut à la secrétaire d’État, Nadine Morano, d’être accablée de critiques pour avoir dit attendre « du jeune musulman français qu’il aime son pays, qu’il trouve un travail, qu’il ne parle pas verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers ». Les censeurs, qui veulent y entendre des propos « nauséabonds » annonçant, allons-y, un retour de Vichy, se bousculent depuis pour réclamer la suspension du débat national. Vite, remettre les têtes dans le sable…
Silence ambigu Nicolas Sarkozy, en recentrant le débat sur l’islam (Le Monde, 9 décembre) a opportunément rappelé « l’humble discrétion » qui oblige le chrétien, le juif ou le musulman « à se garder de toute ostentation et de toute provocation ». Le parallèle outrancier que soutient une partie de la gauche entre la situation des musulmans de France et celle des juifs sous l’Occupation illustre sa confusion. Même les religieux ont admis l’enjeu. « Le dernier arrivé doit s’adapter aux règles collectives », reconnaît Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman. « La balle est dans notre camp, c’est à nous musulmans d’expliquer, de combattre l’extrémisme », confirme Fouad Alaoui, président de l’Union des organisations islamiques de France. Les donneurs de leçons entendent-ils ?
La première vertu du débat est d’avoir convaincu, semble-t-il, ces représentants de leur responsabilité. Celle-ci consiste à corriger la caricature que l’intégrisme est en train de donner à leur communauté. À ceux qui, comme Hamid Zanaz (L’Impasse islamique, Les Éditions libertaires), disent ne guère croire en une « révolution mentale » pouvant promouvoir un « islam libéral », il appartient à ces Français issus de l’immigration d’apporter les signes de leur acceptation de la laïcité et de ses règles égalitaires. Le peuple iranien, qui aspire à la démocratie en affrontant la théocratie, ne prend-il pas ce chemin ?
Alors que les députés s’apprêtent à légiférer sur l’interdiction de la burqa dans des lieux publics, il devrait revenir aux musulmans de défendre cette mesure. Il serait utile de les entendre fixer les limites de la pratique religieuse à la seule sphère privée. Face aux incursions du néofondamentalisme, qui exige des cantines séparées et des salles de prière dans les entreprises, qui y récuse des femmes et réclame des jours fériés, qui impose sa loi dans des hôpitaux et veut des horaires séparés dans les piscines, l’actuel silence de nos compatriotes est ambigu. Leur demander de se désolidariser d’un intégrisme sclérosé n’est pas leur faire injure. C’est même l’exact contraire.
Un débat qui gêne Au nom de la diversité, concept censé représenter la nouvelle richesse de la France, l’islam politique instrumentalise des exigences religieuses pour asseoir sa visibilité, singulièrement dans les banlieues. Même le Hezbollah islamiste a été autorisé à tenir une conférence, samedi dernier, à la Sorbonne, symbole de l’humanisme français. Continuer à nier ce qui crève les yeux ? Un constat : ceux qui réclament l’arrêt du débat sont les mêmes qui, comme Dominique de Villepin, se sont fait les chantres de « la dimension islamique de l’Europe ». C’est leur monde rêvé qui est aujourd’hui jugé par les Français. Il sera difficile de les faire taire.
Avantage au FN ? Cette libre parole favorisa-t-elle le FN ? Rien n’est moins sûr. Ce n’est pas l’extrême droite qui s’exprime mais un peuple ouvert, simplement soucieux de préserver ses principes et son mode de vie.
Joyeux Noël et bonne année !
(Prochain bloc-notes le 8 janvier; mais le blog, lui, reste ouvert à tous…)
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