En France, une hystérie chasse l’autre. La semaine dernière, Benoît XVI était la cible d’un jeu de massacre, unique en Europe, pour n’avoir pas fait l’éloge obligé du préservatif. Cette fois, ce sont les grands patrons qui sont désignés comme boucs émissaires d’un séisme systémique. Ils entraînent dans leur disgrâce, alimentée par le gouvernement, les chefs d’entreprise déjà accablés par les difficultés. Ces lynchages, qui se réclament d’une tradition égalitariste, révèlent une autre crise : celle de la démocratie d’opinion.
Le pouvoir redoute les réactions d’un pays irrité. Aussi a-t-il bien fait d’appeler à la décence les dirigeants de la Société générale qui prévoyaient de se distribuer, ainsi qu’à 5 000 collaborateurs, des stock-options à bas prix, après avoir bénéficié d’une aide de l’État. Le parachute doré (3,2 millions d’euros) accordé par l’équipementier automobile Valeo à son PDG remercié, Thierry Morin, alors que l’entreprise supprime 1 600 emplois, a aussi rappelé la place que devait prendre la morale dans le capitalisme. Le seul appât du gain n’est plus acceptable.
Cependant, les outrances contre les patrons « autistes » (dixit Alain Minc), tenues par une droite dont les propos ne se différencient plus de la gauche, ne peuvent qu’éveiller les appétits de la rue envieuse. L' »ultimatum » (Henri Guaino) lancé par l’Élysée au patronat, avec une virulence qui serait plus appropriée aux bandes des cités, veut se concilier les grâces de ceux qui voient les nantis comme coupables. Mais cette réaction de panique est un encouragement à réclamer des têtes. La démagogie peut sortir de la boîte de Pandore.
Est-ce ce risque que Nicolas Sarkozy veut conjurer ? Mardi, il a calmé l’ardeur de ceux qui demandent à la loi de faire plier les patrons. De fait, la crise n’a rien à voir avec leurs rémunérations, qui valent bien celles des footballeurs. Leur interdire certaines pratiques ne peut avoir d’effets sur le chômage ou la relance. Cela risque même d’entraver davantage une économie en manque d’oxygène. Le salaire variable est celui qui fait vivre des petits patrons. Quant aux stock-options, ils restent la meilleure manière, pour une entreprise sans moyens, d’attirer les talents et de partager ses richesses.
L’État en faillite ne peut sérieusement prétendre imposer des règles aux entreprises, sauf sans doute à celles qui reçoivent ses aides. À l’évidence, le capitalisme doit se moraliser et se démocratiser. Il le fera, car le consensus populaire l’exige. Mais il faut laisser les entrepreneurs libres de leur éthique et de la manière de la faire respecter. Faut-il rappeler que l’opinion n’y connaît rien en gestion ?
Pape « réac » Reste que l’hallali contre les patrons n’est rien comparé au déchaînement qui s’est abattu sur Benoît XVI. En Afrique, il avait déclaré notamment : « On ne peut pas surmonter le problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. » Pour avoir soutenu que la lutte la plus efficace contre ce fléau n’était pas le préservatif mais la fidélité et l’abstinence, il a été traité de « génocidaire », d' »assassin », de « fou ». Les catholiques ont été invités à quitter leur Église tandis que des sondages suggéraient sa démission. La pensée unique, qui réserve ses insultes à la seule Église catholique, a balayé la réflexion sur les valeurs idéales que le Pape voulait défendre, pour ne retenir que la valorisation de la liberté sexuelle.
Bref, une société intolérante s’est révélée, portée par les faux gentils qui professent dans les médias, la politique et le show-biz. Alors que le discours dominant valorise la diversité, c’est une opinion uniforme qui a été martelée, rendant inaudibles les propos de Benoît XVI. Il a été accusé d’être déconnecté du monde et ses dénonciations de la corruption en Afrique, ses appels à une nouvelle répartition des richesses et sa défense de la condition de la femme sont passés inaperçus. Le week-end dernier, des médias suiveurs l’accusaient encore, faussement, de s’être opposé à l’avortement thérapeutique.
Que Benoît XVI ne soit pas doué en communication et en organisation, c’est l’évidence. Le problème du préservatif ne se traite pas en quelques phrases lors d’une conférence de presse dans un avion. Sa décision de lever l’excommunication d’un évêque qui s’est révélé négationniste est une faute dont il s’est excusé. Ces erreurs justifient les critiques. Mais ce qui est apparu est un refus de réfléchir et de débattre sur des valeurs heurtant des modes. Or, cette pratique totalitaire ne rend pas compte du nouveau besoin de repères et de sens qui s’observe. Ce Pape « réac » est en phase avec ceux qui prennent conscience des abus de la modernité et de son relativisme.
La surprise Adjani Illustration de ce mouvement qui émerge, en réaction au nihilisme de l’époque : la courageuse prestation d’Isabelle Adjani, dans le film La Journée de la jupe, de Jean-Paul Lilienfeld, qui sort cette semaine après avoir été diffusé sur Arte. Les réalités ethniques et culturelles des cités y sont abordées sans fard. Adjani, qui joue un professeur de français résistant à la déculturation et à l’emprise de l’islam dans l’école publique, fait voler les interdits du politiquement correct et la démagogie compassionnelle victimisant les minorités (voir mon blog). Le signal d’un réveil.
Coup dur Le fiasco du PS au Zénith, qui n’aura su rassembler un public sur son thème des libertés publiques menacées. Autre coup dur pour les démagos.
S’abonner
0 Commentaires
le plus récent