C’est vrai: l’élite française n’a pas les couleurs de la rue. La multiethnicité ne se retrouve ni au Parlement, ni à la tête des grandes entreprises. Raciste, la France ? L’accusation est insinuée, depuis l’élection de Barack Obama. « Le pouvoir a souvent la même tête: des hommes blancs et plutôt âgés, déplore Carla Bruni-Sarkozy (Le Journal du Dimanche). Les gens des cités doivent devenir le pouvoir, eux aussi, à leur tour !  » Mais ces minorités, présentées comme étant rejetées, n’auraient-elles donc que des droits ?
Un mauvais vent se lève, avec la banalisation d’un discours ethnique et culpabilisateur qui détourne le message du président américain. Enfant de l’assimilation et de l’excellence, Obama se veut le symbole d’une société postraciale attendant de ses acteurs qu’ils se responsabilisent. Or, en France, les idéologues de la diversité ne veulent voir qu’un Noir au sommet, pour en exiger de semblables. Au nom de l’antiracisme, ils parlent de couleur de peau.
Rappel de l’article 1er de la Constitution: la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Léon Blum ou Pierre Mendès France, parmi d’autres Français juifs, ont ainsi dirigé la République ; Gaston Monnerville, qui était noir, a été président du Sénat (1959-1968) et à ce titre deuxième personnage de l’État ; Rama Yade, ministre de Nicolas Sarkozy, fait partie des personnalités les plus populaires, avec Rachida Dati et Fadela Amara. La France n’est évidemment pas raciste. Aussi est-il pénible de constater l’approbation quasi unanime du Manifeste pour l’égalité réelle (initié par l’industriel Yazid Sabeg), que soutient l’épouse du président ou des personnalités de l’UMP comme Jean-François Copé et Patrick Devedjian. Le texte, qui demande un « Grenelle de la diversité », reproche à la France de « négliger » et de « désespérer » « une large frange de sa jeunesse ». Qu’est devenue la mise en garde du candidat Sarkozy contre les autoflagellations ?
Il est faux de décrire un pays fermé aux différences, même si les parcours sont souvent difficiles. Il est injuste de faire porter à la nation la responsabilité des « crispations identitaires » , en ignorant les refus d’une partie de la nouvelle France de s’identifier à un destin commun et de répondre à un devoir d’insertion. La multiethnicité, qui n’a pas trente ans, gagnera ses places. Elles s’ouvrent déjà aux prix Goncourt et Renaudot. Mais seuls le talent, le mérite, l’effort devraient en décider.
Éviter la régression En donnant le sentiment d’avaliser, à travers son épouse, les griefs des « minorités visibles », le chef de l’État risque d’accélérer un processus de fractionnement de la société. D’ailleurs, lundi, le président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), qui fait de la couleur de peau un critère de sélection, a été reçu à l’Élysée par un conseiller. Ce dernier entendrait-il un défenseur des Blancs? La Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), heureusement, s’indignerait.
Ni la culpabilisation de la nation, ni la référence aux races ou aux origines, cette régression admise, ne sont recevables pour justifier la discrimination positive que le Manifeste demande, en appelant à des « politiques volontaristes pour l’équité et la diversité ». Ce sont d’ailleurs ces arguments qui dévoilent les effets pervers de la proposition. Relire Obama et son discours de Philadelphie (18 mars) : il y met en garde contre le « ressentiment » qu’une politique préférentielle fait naître dans la classe moyenne blanche.
La France n’est ni une auberge espagnole ni une société anonyme, comme semblent le croire ceux qui exigent une accélération de son métissage, y compris par des comptabilités ethniques et des quotas. Alors que le rapport de l’historien André Kaspi, publié mercredi, critique « les intérêts communautaristes » qui aboutissent à une multiplication des journées de commémoration et de repentance qui peuvent « affaiblir la conscience nationale », de semblables dérives seraient portées par une « diversité » décrétée, indifférente à l’âme d’une nation.
Coups de pouce Les activistes des minorités, qui réclament leurs dus, évacuent les problèmes nés d’une intégration asphyxiée. Aiment-ils cette France dont ils font le procès ? Le patriotisme, qui s’observe aux États-Unis, est ici moins fréquent que les Marseillaise sifflées et vite excusées. Leurs exigences seraient recevables si elles s’accompagnaient d’une adhésion à la République laïque et égalitaire. Or c’est loin d’être le cas. Raison de plus, d’ailleurs, pour valoriser ceux qui ont fait ce choix de la seule promotion sociale. La nomination, mercredi, d’un préfet d’origine camerounaise devrait inciter le monde politique, mais aussi télévisuel, à encourager l’émergence de ces nouveaux Français. Des coups de pouce, pour ceux-là ? Pour l’exemple et exceptionnellement, oui bien sûr.
Politiquement correct L’élection de Sarkozy avait fait espérer un recul du politiquement correct : il revient en force avec l’obamania. En France, la Halde se distingue : elle reproche aux livres scolaires de ne pas assez valoriser l’islam, les noirs, les handicapés, les homosexuels, etc. Le poème de Ronsard « Mignonne, allons voir si la rose…  » est soupçonné de « véhiculer une image très négative des seniors ». La Halde, nouveau censeur.

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