La voilà, la révolution ! Elle naît sous nos yeux, du naufrage cumulé des utopies, des mensonges, des fictions. Un monde nouveau s’impose : celui du réel, du pragmatisme, du bon sens. Ce bon sens que l’intelligentsia aime caricaturer en niaiserie terre à terre ou populisme de bistrot. Dans ce chamboulement, provoqué par la déchéance de l’État-providence et l’avidité du capitalisme financier, les repères sont bouleversés. Mais la lucidité fait reculer, chaque jour un peu plus, les idéologies et leurs faussetés. Alors, vive la crise ?
S’il n’y avait ces risques économiques et sociaux qui pèsent sur les gens, le cataclysme bancaire pourrait être vu comme une aubaine : non content d’obliger les dirigeants occidentaux à corriger des mécanismes spéculatifs devenus ingérables, le séisme financier offre aux politiques l’occasion de reprendre la main sur les choses publiques. C’est grâce à la détermination de Nicolas Sarkozy, président de l’Union européenne, qu’un krach boursier semble avoir été évité. Sa mobilisation concertée des États-nations a également montré l’utilité d’une Europe protectrice.
Voici venue la fin de ces temps loufoques, où il était admis de marcher sur la tête et de vivre au-dessus de ses moyens. Bien sûr, le capitalisme anglo-saxon a eu ses torts, en se laissant emporter par un laisser-faire dogmatique. Salaires délirants, parachutes dorés, paradis fiscaux sont les résultats de ce monde clos. Mais les deux piliers du financement immobilier américain (Freddie Mac et Fannie May), d’où la crise des subprime est partie, étaient au service d’une politique de logement, relancée par Bill Clinton en 1993, et destinée aux bas revenus. L’État y était l’inspirateur. Aussi est-il trop simple d’accuser le libéralisme, le capitalisme, le modèle américain, le fric et ses frasques. En réalité, le réalisme qui s’impose risque de balayer l’ensemble des constructions rêvées, à commencer par l’État mère poule et ses faramineuses dépenses payées à crédit (merci, les enfants !).
Tout est probablement à inventer, pour contourner les dogmes et les chapelles. L’Angleterre libérale a ouvert la voie, en nationalisant provisoirement ses banques pour éviter le pire. Les progressistes, qui n’aiment rien tant que vivre sur leurs petits nuages, y voient leur revanche et un encouragement à revenir « à gauche toute » (Ségolène Royal). En réalité, il faut s’attendre à voir l’État se retirer semblablement de domaines qu’il ne sait plus gérer. La vraie question est : les politiques, désormais privés de pilotage automatique, sauront-ils conduire à vue ?
La règle du jeu Dans ce chambardement, le calme de l’opinion surprend. Alors que le président de la République parle de « vaincre la peur » et que le premier ministre décrit un monde « au bord du gouffre », jamais les Français n’ont cédé à la panique, voire à l’indignation devant les 360 milliards d’euros débloqués pour réalimenter les flux bancaires. Il serait hasardeux de tirer des conclusions définitives de ce sang-froid, mais il est loisible d’y voir l’état d’esprit d’un pays prêt à accompagner les mutations lui permettant, enfin, de s’enrichir et vivre mieux.
Cela fait trop longtemps que les Français attendent de leurs élites qu’elles se frottent aux réalités pour ne pas les imaginer satisfaits de cette révolution qui congédie les prestidigitateurs, les bonimenteurs et leurs élixirs. Entendre Olivier Besancenot en appeler mécaniquement à l’anticapitalisme ou le PS à l’antilibéralisme revient à réécouter d’assommantes rengaines. Les calamités issues des idéologies – celles du Profit, de l’Égalité, de la Fraternité, etc. – semblent devoir condamner tout esprit de système.
La régulation du capitalisme, contraint d’atterrir en urgence, annonce d’autres remises en cause. Mais il a su montrer sa réactivité et sa souplesse, y compris au prix de spectaculaires tête-à-queue. La gauche est-elle prête à de semblables épreuves ? On peut en douter, quand elle s’affirme dépositaire du meilleur modèle, dont elle refuse d’admettre les ratés. Les solutions les plus efficaces et les moins chères seront probablement les choix de demain, au-delà de la droite et de la gauche. Le libéralisme se retrouve dans cette règle du jeu.
« Marseillaise » sifflée S’il faut poursuivre les auteurs du chaos financier, comme le suggère Nicolas Sarkozy, il n’y a alors aucune raison de laisser dormir les responsables du désastre éducatif, engendré par les dogmes hyperégalitaristes de la gauche. Il faut s’intéresser également, dans la foulée, aux errements de l’idéologie immigrationniste, qui est en train de fracturer la nation au nom de la diversité et, plus prosaïquement, de la pérennité du financement des retraites par répartition. Là aussi, les faits sont têtus. Ils se sont rappelés à l’opinion (indignée à 80 %) quand La Marseillaise a été de nouveau sifflée, mardi soir, par des jeunes des cités, au Stade de France lors d’un match France-Tunisie (voir mon blog). « La France, ce n’est pas leur patrie », explique un enseignant de Seine-Saint-Denis, dans Le Parisien d’hier. Il ne reste que François Bayrou, ou presque, pour estimer que ces outrages ne sont « pas un problème d’intégration ». Au fait : pourquoi ne pas retirer la nationalité à ceux qui la rejettent ?
McCain laminé? Et les sondages? Reflètent-ils la réalité ou font-ils partie de ces bulles qui éclatent les unes après les autres? Ils annoncent un laminage pour John McCain, qui n’est certes pas servi par la crise. Leur faire confiance ?
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