Et le gagnant est… l’abstention. En Corse, 47,4% des électeurs ont boudé le scrutin territorial, qui a donné dimanche la majorité absolue (56,5%) à la liste nationaliste. Chez les Républicains, Laurent Wauquiez a été élu, hier, dès le premier tour avec 74,64% des suffrages. Mais les 235.000 militants se sont abstenus à 57,54%. Cette désaffection révèle la crise qui affecte les partis. En Corse, La République en marche, qui prétend renouveler l’offre, n’a récolté que 12,7% des voix. L’attentisme de l’électorat, en quête d’une expression qui lui ressemble, est partout palpable. Samedi, à Paris, cette France populaire et oubliée s’est manifestée dans sa puissance (un million de personnes) à l’occasion des obsèques de Johnny Hallyday. C’est une foule culturellement homogène, rassemblée partout aux alentours de l’Eglise de la Madeleine, qui a sifflé et hué quelques secondes Emmanuel Macron, à peine avait-il prononcé, sur le parvis : « Mes chers compatriotes (…) ». C’est pour avoir demandé au public, à l’issue de son discours, d’applaudir Johnny Hallyday que le chef de l’Etat a pu s’éviter une sortie peut-être plus hasardeuse. Mais cette tentative de récupération politique, qui a conduit la famille du chanteur à déclarer Marine Le Pen indésirable à la cérémonie alors qu’une partie de son électorat était dans les rues voisines et sur la place de la Concorde, n’a eu pour effet que de montrer l’attachement de cette France invisible, recueillie durant toute la cérémonie religieuse, aux racines chrétiennes de la nation. Ironie de l’histoire : jamais la croix n’a été si présente dans l’espace public qu’en ce 9 décembre, journée anniversaire de la loi de 1905.
C’est vers cette France populaire, que François Fillon n’avait su approcher, que Wauquiez doit aller s’il veut consolider sa frêle assise. L’échec cinglant de Maël de Calan (9,5%), parrainé par Alain Juppé, a démontré une fois de plus que les militants républicains ne voulaient plus entendre parler de la droite centriste et molle, qui persiste à ne rien comprendre des souffrances de la société. Cette partie-là de la droite ressemble trop au centrisme macronien pour ne pas le rejoindre. Le gros des abstentions vient de la nation périphérique : une classe moyenne qui a disparu depuis longtemps des radars des formations politiques traditionnelles. La prolophobie, qui habite la droite bien peignée, est un non-sens. Rien n’était plus sympathique et émouvant que la France populaire rassemblée pour Johnny. Difficile d’ailleurs de ne pas remarquer l’absence de la France de la « diversité » dans ce recueillement collectif, qui devrait être une source d’inspiration pour Wauquiez. Il ne pourra non plus faire l’économie d’un sérieux travail intellectuel pour redonner une doctrine à son parti. « Nous devons reconstruire la pensée de la droite », a-t-il déclaré. Il ne reste plus qu’à espérer que la réflexion conduise à cette évidence d’une union de toutes les droites, comme la gauche sut le faire dès les années soixante-dix. Que la Macronie hurle devant cette perspective, rien de plus normal : c’est sa survie qui serait en jeu. Que la droite pavlovienne en fasse autant est stupide.
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