La jacquerie qui s‘installe en Bretagne n’est pas seulement une
révolte contre l’impôt, et singulièrement contre l’écotaxe qui frappera les
poids lourds à partir du 1 er janvier. Le ras-le-bol fiscal, annoncé depuis des
semaines, n’est pas spécifique à cette région. Ce qui fait la force de ce
mouvement spontané est le réveil brutal d’un vieux peuple méprisé par la
nouvelle aristocratie parisienne. « Nous sommes finistériens, bretons, européens, mais pas jacobins ! »,
entendait-on samedi, sur les lieux des affrontements avec les forces de l’ordre,
à proximité du péage écotaxe (un portique) de Pont-de-Buis, sur l’axe routier Brest-Quimper.
Ce qui se voit, mais qui n’est pas relevé dans les commentaires, est l’affirmation
mémorielle d’une Bretagne qui n’entend pas renier son passé, au nom d’une table
rase exigée par la postmodernité et son prétendu progressisme. Le plus spectaculaire est la mise en scène des
bonnets rouges, portés par les manifestants en hommage à la « révolte des
bonnets rouges » qui, en 1675, opposa violemment la paysannerie bretonne à la
monarchie de Louis XIV, suite à la décision de Colbert de taxer le papier
timbré. C’est à la demande du maire divers gauche de Carhaix-Plouger (Finistère),
Christian Troadec, que l’église Saint-Trémeur a également sonné le tocsin,
comme elle l’avait fait à cette lointaine époque (Le Monde de ce week-end). Si
le gouvernement maintient l’écotaxe, la
prochaine manifestation, prévue à Quimper samedi, pourrait se transformer en
démonstration de force des nouveaux chouans, fiers de leur passé.
Les Bretons ont toutes les raisons d’être furieux, eux qui
subissent depuis des décennies une aggravation des crises de l’agriculture et
de l’agro-alimentaire. Les difficultés apparues chez Doux, Gad, Boutet-Nicolas,
Marine Harvest ou aujourd’hui chez le volailler Tilly-Sabco auraient dû faire
comprendre au gouvernement le risque qu’il y avait à appliquer, en plus, une
nouvelle taxation. Héritée de la droite et de son Grenelle de l’environnement, elle
est assimilée à « une gabelle des temps modernes ». Mais Zeus rend fou
ceux qu’il veut perdre. La gauche, pourtant majoritaire sur ces terres, a rompu
le lien avec les électeurs. Elle a plus généralement perdu le contact avec le peuple.
85% des Bretons ne feraient plus confiance au gouvernement. Ces indignés de
poids, qui viennent en renfort d’une cohorte pour l’instant disparate, pourraient
symboliser demain l’insurrection de la France des oubliés, cette France
invisible aux yeux des dirigeants de gauche qui n’ont d’intérêts que pour les
quartiers sensibles et la nouvelle « diversité ». Les Bretons sont entrés dans une double
résistance : à l’impôt injuste d’une part, au rouleau compresseur de la
mondialisation d’autre part. En arborant bonnets rouges et drapeaux gwen a du, ils
symbolisent leur réveil identitaire. Ce faisant, ils ouvrent une voie que la France
dans son ensemble pourrait emprunter à son tour. Qu’en pensez-vous ?  
  Je participerai, mardi à un débat sur Europe 1
(13h30-14h), puis à On refait le monde, sur RTL (19h15-20h)

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