Les professionnels de la politique ont emporté une victoire tordue et illisible, à l’issue du second tour des Régionales. « La défaite pour tous », titre judicieusement La Croix, ce lundi. « Il y a des victoires qui font honte aux vainqueurs », a commenté, hier soir, Marion Maréchal Le Pen, vaincue par Christian Estrosi (46,2% contre 53,8%). Lui et Xavier Bertrand, qui écrase Marine Le Pen (57,8% contre 42,2%), peuvent assurément dire merci au PS, qui s’était désisté après le premier tour. Philippe Richert (LR), vainqueur de Florian Philippot en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (48,4% contre 36,1%), bénéficie aussi de ce « front républicain », imposé de Paris par l’appareil socialiste et le gouvernement. Mais le PS pourrait également dire merci au FN, car c’est grâce à sa présence que les socialistes peuvent décrocher quatre régions. Seule la victoire (51,4%) de Jean-Yves Le Drian en Bretagne, proche de François Hollande, a su faire l’économie de petits arrangements. Quant à la victoire sur le fil (43,8% contre 42,2%) de Valérie Pécresse en Ile-de-France, elle doit beaucoup aux voix du FN qui ont fait faux bond à Wallerand de Sant Just. Bref, si le FN n’a, lui, décroché aucune région, il est en progression de 800.000 voix et est partout en embuscade, au point de dérégler toutes les alliances. Il va néanmoins devoir s’interroger sérieusement sur les lacunes de son programme et les raisons de son isolement, qui ne le rendent pas crédible pour les seconds tours. Le PS et les Républicains ont pour leur part un grave problème de clarification à résoudre. L’impression de magouilles et de tricheries qui ressort de ce scrutin trituré par des « pros » oblige à des corrections. Mais il est peu probable que les partis, ces canards sans tête, soient à la hauteur des enjeux. A peine Claude Bartolone avait-il remis, après son échec, son mandat de président de l’Assemblée nationale que Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS, s’est empressé, ce lundi sur Europe 1, de lui demander de rester à son poste. Les changements espérés attendront. Alors que la société vire à droite, le premier secrétaire du PS a également demandé au gouvernement d’accentuer une politique contre le « précariat dans les quartiers et des banlieues » afin d’y « assécher l’abstention », appuyant ainsi la politique communautariste encouragée par les idéologues du parti. Les Républicains, eux, se bouffent déjà le nez pour savoir s’il faut ou non avancer l’échéance des primaires. Tous, hier soir, ont assuré qu’ils avaient bien compris le message des urnes. « C’est notre dernière chance », a dit Xavier Bertrand ; « on ne peut pas continuer comme avant », a assuré Bruno Le Maire ; « Il faut débattre au fond des choses », a promis Nicolas Sarkozy. Alain Juppé a parlé d’un « devoir de lucidité » et François Fillon d’un « programme de rupture ». Mais cela fait des années que les mêmes engagements sont pris par les mêmes hommes après chaque élection. L’urgence est d’ouvrir ce monde clos à la société civile, en attente de réelles alternances. Ce n’est pas le chemin que propose, en tout cas, Jean-Pierre Raffarin. Pour lui : « Nous devons travailler avec le gouvernement car le FN est un adversaire commun ». La diabolisation, qui a davantage fonctionné dimanche que je ne l’aurai cru, s’annonce comme le sempiternel alibi de ceux qui n’ont toujours rien à dire. Ils ne veulent pas comprendre qu’ils doivent céder la place.
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