Vincent Lambert, 42 ans, va mourir. Des juges ont donné leur accord. Le processus, indolore dit-on, prendra quelques jours (1). Ce lundi matin, son médecin a arrêté les traitements consistant à nourrir et hydrater le patient, tétraplégique en état de conscience minimal depuis plus de dix ans. Vincent a été mis en « sédation profonde et continue ». C’est par mail envoyé à sa famille que le Dr Vincent Sanchez, chef du service de soins palliatifs de l’hôpital Sébastopol à Reims, a fait part de sa décision, qui fait suite à une longue série d’avis, de consultations, de jugements. Les parents du jeune homme, effondrés, parlent d’ »euthanasie déguisée ». Dans ce dossier extrêmement douloureux, tous les arguments ont été abondamment défendus, de part et d’autre. Reste pourtant, ce matin, un sentiment de honte devant une injustice. En effet, Vincent va mourir non pas parce qu’il est en fin de vie – sa respiration reste autonome, son cœur bat sans stimulateur cardiaque, il n’est pas en soins intensifs – mais parce qu’il est lourdement handicapé. Or plus de 1500 personnes sont ainsi en état pauci-relationnel. Elles ne sont pas en état végétatif. Elles sont capables de percevoir des émotions, des douleurs, de communiquer parfois par le regard. Lors de la dernière visite de ses parents, Vincent a pleuré, témoigne David Philippon, son demi-frère, qui assure : « Il sent ce qui se passe autour de lui » (Le Figaro de ce lundi). Tous ces handicapés, soignés dans des unités spécialisées, seront-ils appelés à connaître le sort réservé à Vincent Lambert ? La régression éthique est amorcée.
Cette mise à mort est une lâcheté. D’autant qu’il existe des lieux adaptés à ces grands handicapés. L’argument de l’obstination déraisonnable ne tient pas pour un patient dont le corps fonctionne et qui n’a pas fait connaître clairement ses intentions. Dans ce monde qui s’étourdit de « valeurs » et de « droits de l’homme », le respect de la vie et la protection du plus vulnérable ne sont plus des principes absolus. Cette hypocrisie des faux-gentils dit la médiocrité de l’époque mercantile : elle ne loue les « différences » que lorsqu’elles sont narcissiques, impudiques et adaptables à un marché. Hasard du calendrier : les regards se détournaient de Vincent Lambert tandis que les médias braquaient les lumières sur le jeune chanteur excentrique Bilal Hassani, qui représentait la France ce week-end à Tel Aviv au concours de l’Eurovision. C’est lui qui, pour les faiseurs d’opinion, est présenté comme exemplaire, au prétexte qu’il prône l’amour de lui-même et revendique son nombrilisme. Ce produit marketing, arrivé 14 e samedi soir, est celui des petites passions préfabriquées par le Système et ses divertissements. Vincent Lambert, lui, va mourir de la main d’un médecin car il est considéré, dans son particularisme, comme un corps encombrant, improductif, coûteux. Seul à ce jour François-Xavier Bellamy, (LR) s’est insurgé, dimanche : « Nous n’avons pas le droit de dire d’un homme que, parce qu’il est dépendant, il n’a plus le droit de vivre ». Silence, on tue en conscience.
(1) Lundi, tard dans la soirée, la cour d’appel de Paris a ordonné contre toute attente la reprise des soins.
Je participerai, mardi, à l’heure des pros, sur CNews (9h-10h30), puis à On refait le monde, sur RTL (19h15-20h)

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