Que va dire Emmanuel Macron, ce lundi à 20h ? Cette question dit tout de la crise de la démocratie française, asphyxiée notamment par l’excessive personnalisation du pouvoir que permet la Ve République. En alimentant lui-même le suspense sur ses décisions, le chef de l’Etat cherche à mettre, une fois de plus, sa seule personne au centre de la politique. C’est cette stratégie qu’il a choisie dès le 10 décembre 2018 en fixant alors, à coups de « je veux » répétés, ses conditions à l’ouverture du grand débat. « Moi je », redit-il dimanche dans un clip annonçant pour le lendemain sa prise de parole. « Nous avons décidé de transformer les colères en solutions », explique aussi l’impétueux chef de l’Etat dans un tweet accompagnant la courte vidéo. Cette mise en scène théâtrale et narcissique reflète l’égotisme qui inspire, depuis le début de son mandat, le parcours de Macron. Or c’est justement cette jouissance personnelle à incarner une monarchie républicaine, avec sa pente despotique, qui est devenue insupportable aux yeux de beaucoup de Français en quête de visibilité démocratique. Par sa seule attitude messianique, qui n’est pas loin de promettre de transformer l’eau en vin, Macron a choisi de rester, en majesté, dans son solitaire isolement, tandis que les Gilets jaunes réclament la représentativité des Oubliés. Cette lacune augure mal d’une sortie en douceur de la crise politique ouverte depuis le 17 novembre par le petit peuple renaissant. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. La démocratisation de la démocratie est une exigence qui s’entend sur les ronds-points et dans les manifestations du samedi. Ceux qui, comme le sénateur Claude Malhuret (Agir) la semaine dernière, voient dans la révolte des Gilets jaunes « un mouvement sans but et sans programme », s’enferment dans un mépris qui ne marque pas leur ouverture d’esprit. Malhuret a fait sourire le premier ministre présent quand, au Sénat, il a déclaré : « J’ai entendu plus d’âneries en six mois qu’en trente ans de vie publique ». La macronie a a-do-ré le bon mot. Mais rien n’est plus faux que ces clichés faciles sur les ploucs et les beaufs. Déjà en 2016 Alain Minc avait dit, parlant du vote pro-Brexit des Britanniques : « Ce référendum n’est pas la victoire du peuple sur les élites, mais celle des gens peu formés sur les gens éduqués ». Entre le peuple et les élites, les plus sots sont en l’occurrence ceux qui se gaussent dans les petits cercles du pouvoir. Les Gilets jaunes sont en train de démontrer qu’ils peuvent, par leur bon sens et leur intelligence collective, écrire l’Histoire en passant outre les quolibets des parvenus. Ceux qui ne veulent voir, dans leur mobilisation, qu’une jacquerie antifiscale parmi d’autres passent à côté de la question institutionnelle qu’il va falloir résoudre. La paix sociale ne s’achètera pas, cette fois, uniquement avec de l’argent. Je participerai, ce lundi, au Grand dossier, sur LCI (20h-21h50)

Partager cet article
S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
le plus récent
le plus ancien
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires
0
Laisser un commentairex