La nostalgie ? Un sentiment qui envahit la France, tandis que la classe politique aimerait l’interdire. La place démesurée accordée par les médias, ce week-end, à la mort du chanteur Michel Delpech, 69 ans, témoigne de ces regrets d’une nation jadis aimable et joyeuse. Le seul talent de l’artiste ne mérite pas cette somme d’hommages qu’aucun grand intellectuel ou grand créateur ne connaîtra jamais à sa disparition. Avec Delpech, c’est la mort de la France souriante et insouciante qui est pleurée par ceux qui ont connu les années 60 à 80. Une occasion de se rappeler comment la gaieté, caractéristique que les Français partageaient avec les anciens Grecs, a été assombrie en un temps record. Quarante ans de cogestions droite-gauche ont davantage abîmé le pays que la dernière guerre mondiale. La nostalgie oblige à s’interroger sur les incompétences des dirigeants et les dégâts qu’ils ont occasionnés : voilà pourquoi ceux-là détestent ce mot si doux, compris comme une perversion. Lors de ses vœux, François Hollande a, une fois de plus, dit tout le mal qu’il pensait du spleen français, en l’associant au « repli, à la fermeture, à la discrimination ». Nicolas Sarkozy avant lui n’avait eu de cesse, après Jacques Chirac, de dénoncer pareillement ces regrets d’un monde passé. Mais cette nostalgophobie est une violence. Elle confirme que les « élites » ne comprennent rien à la crise civilisationnelle qui mine la nation. Derrière cette nostalgie rendue suspecte ce sont la mémoire, les racines, la culture, les traditions, les rites, les usages qui deviennent potentiellement délictueux, à mesure que s’accumulent les catastrophes qui mettent au jour les mécanismes de dépossession enclenchés par les déconstructeurs. En fait, seule la logique totalitaire de la table rase est capable d’imposer le délit du « c’était mieux avant ». Mais ce discours faussement « progressiste » ne passe pas. Une fois encore, les Français contredisent les certitudes de leurs représentants. Les citoyens ne veulent pas de la République amnésique et déracinée que voudraient leur refourguer ceux qui se montrent incapables de reconnaître leurs erreurs collectives. Défendre la nostalgie n’est pas souhaiter le retour à la lampe à huile et aux cataplasmes. C’est tout simplement faire usage du souvenir et de l’esprit critique. Un retour en arrière n’est évidemment pas possible. Du moins est-il encore temps d’éviter de poursuivre les erreurs qui ont conduit à ces Français qui vivent dans les soupirs et les chagrins collectifs. La génération gâtée du baby-boom et de mai 68, dont Delpech faisait partie, a aussi sa large part de responsabilités dans cette nation qui pleure aujourd’hui le bon vieux temps de « Chez Lorette ». Je participerai, mardi, à On refait le monde, sur RTL (19h15-20h)
S’abonner
0 Commentaires
le plus récent