Récapitulons : (1) la France est endettée jusqu’au cou ; (2) elle peut se dissoudre, demain, dans le multiculturalisme. Ce sont là des défis que les plus petites gens perçoivent. Or, que font les élites ? Les intellectuels n’ont jamais été aussi mutiques et les politiques restent dans leur bulle. Quand Henri Guaino dit (Les Échos, lundi) : « Je me bats contre la nouvelle pensée unique », en signifiant ainsi vouloir faire une différence entre bons et mauvais déficits afin d’inciter l’État à s’endetter encore, le conseiller de l’Élysée montre un désintérêt pour les urgences.
Le déclin de la France suscite un silence gêné. Il est vrai que l’intelligentsia a toute sa part dans l’ébranlement de l’harmonie sociale. N’y aurait-il aucune alternative au lent effacement identitaire enclenché par les belles âmes ? Alain Finkielkraut reste seul quand il estime, sur la burqa (Le Figaro, 26 juin) : « La France n’est pas une auberge espagnole. » Et Renaud Camus n’est pas plus entendu, lui qui ne cesse de mettre en garde contre « notre peuple qui disparaît » (L’Isolation, Journal 2006, Fayard). Leurs diagnostics ne manquent pourtant pas d’arguments.
Ces voix qui, avec quelques autres, appellent à respecter la culture française ont cent fois moins de relais que celles qui actionnent la culpabilité et voient dans le métissage l’aboutissement d’une idéale indifférenciation. L’universalisme du dieu Michael Jackson fait partie de cette postculture planétaire. Mardi, dans Libération, l’écrivain Maurice Rajsfus en était à faire le parallèle entre la rafle du Vél’ d’Hiv’ et les arrestations de clandestins, en comparant « Éric (Judas) Besson » (ministre de l’immigration) à Pierre Laval faisant arrêter des Juifs. Ainsi font les nouveaux « Justes ».
Mais les Français, eux, que disent-ils? À peine tentent-ils de répondre qu’ils ne sont pas contents, comme à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), qu’un front républicain proclame la démocratie en danger. La montée du FN, qui a échoué là-bas à 265 voix, dimanche, est un de ces signes d’insatisfaction que les dirigeants ne semblent pas comprendre. Il est curieux d’entendre, par exemple, Michel Rocard assurer (Le Monde, mardi) que la récente poussée conservatrice en Europe est le signe d’un attachement des électeurs « au modèle du capitalisme financiarisé ». L’ancien premier ministre socialiste, appelé par Nicolas Sarkozy à faire tandem avec Alain Juppé dans la définition du prochain emprunt, fait là une fausse lecture d’une réponse limpide : si les peuples votent conservateur, c’est d’abord parce qu’ils veulent préserver des héritages menacés par les idéologues. « Combien faudra-t-il de crises pour convaincre les peuples ? », interroge Rocard, accablé par le rejet de la social-démocratie. La vraie question est : à quels désastres faudra-t-il arriver pour que les élites se réveillent ?
Critique de la « double identité » La valorisation de la « double identité », qui accompagne le discours officiel sur la diversité et la lutte contre les discriminations, illustre les risques de substitution culturelle que fait courir l’idéologie du multiculturalisme. « On nous demande de nous intégrer. Pourquoi s’intégrer alors que nous sommes nés ici ? », interroge Saïd, présenté par l’Agence France-Presse, mardi, comme « un vrai parigot » du Xe. Avec Nemane et Hager, ils veulent « ne pas avoir à choisir, se sentir aussi bien en France qu’au « bled » ». Mais pourquoi les dispenser, justement, de choisir ? C’est bien ce qu’ont fait les Français issus des précédentes immigrations, en se fondant dans la nation. Ce débat, supposé réglé par le seul refus de ces jeunes de s’assimiler au pays qui a accueilli leurs parents, n’a jamais été posé. Or, que restera-t-il de la France et de sa civilisation si elles sont adoptées à moitié ou au quart, dans une ou deux générations ? Ceux qui ne disent mot devant ces adhésions à la carte consentent-ils à la lente dilution d’un héritage millénaire ? On aimerait entendre philosophes et écrivains, présumés visionnaires.
Incompréhension L’État n’est pas compris. L’énergie que met, pour la quatrième fois, le président à vouloir ouvrir le travail dominical revient à inciter à un consumérisme qui n’est plus dans l’air du temps. Même Bernard Thibault (CGT) le dit : « En France, pays de tradition chrétienne (le droit au repos), c’est le dimanche. » La taxe carbone, qui compenserait en partie la suppression de la taxe professionnelle tout en étant redistribuée à certains ménages grâce à un « chèque vert », est de ces alambiques qui confirment que le bon sens reste étranger aux technocrates et à certains ministres. Mercredi, un sondage montrait qu’une majorité rejette le grand emprunt, dont l’Élysée voudrait faire une question de confiance, et qui suscite des propositions aussi saugrenues que celle d’un « calculateur pétaflopique ». Les Français, plus lucides que leurs représentants ? Probable. L’état de cessation de paiement que connaît la Californie rappelle qu’un pays surendetté n’est pas à l’abri d’une banqueroute, comme l’ont démontré l’Islande ou l’Argentine et comme pourraient le faire à leur tour certains pays de l’Est, à commencer par la Lettonie. En attendant la France?
Champ de ruine
Un champ de ruines : c’est dans ce décor de L’Aquila, ville italienne meurtrie par un séisme, que Silvio Berlusconi invite cette semaine les grands de ce monde à réfléchir sur l’avenir de la planète. Bien vu pour le symbole.
S’abonner
0 Commentaires
le plus récent