Qui t’a fait roi? Nicolas Sarkozy devrait se poser la question en se rasant. Elle l’éclairerait sur le désamour des Français. La morosité tient moins à son comportement qu’à l’oubli de convictions qui avaient rallié une majorité d’électeurs. Sa sobriété nouvelle laisse les sondages de marbre: la France qui gronde reste indifférente face à ces artifices. Le président saura-t-il renouer, jeudi prochain à la télévision, les liens distendus?
 Ne pas se fier au bruit de fond du monde médiatique et des salonnards: ceux-là persistent, majoritairement, à s’afficher de gauche. La société, elle, s’est convertie depuis longtemps aux valeurs de la droite qui ont fait gagner Sarkozy: travail, mérite, famille, nation, identité, autorité, sécurité, etc. L’Europe connaît ce même mouvement. Il vient, en Italie, de faire réélire haut la main Silvio Berlusconi, l’épouvantail des maîtres à penser.
Or le président agit comme s’il n’entendait que cette vieille mode « progressiste », dont Marcel Aymé s’amusait déjà dans Travelingue. Il semble redouter les procès en populisme que lâchent immanquablement les démagogues bousculés dans leurs croyances. Ainsi, son action contre les clandestins, qui additionne les exceptions, est-elle menée la honte au front. Hervé Mariton (UMP) a raison de remarquer: « Les convictions de la droite française sont aujourd’hui très fragiles. »
 La majorité affronte mollement les Verts et les altermondialistes, en guerre contre les OGM. Ils se sont pourtant déjà trompés en s’opposant naguère au nucléaire civil, devenu indispensable. Alors que la faim dans le monde suscite des émeutes, il est consternant d’observer Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à l’Écologie, recevoir les soutiens de José Bové et de Jack Lang pour ses réserves sur des plantes transgéniques, qui pourraient nourrir la planète. Mais les scientifiques sont moins écoutés que les bateleurs.
La lucidité des mentalités attend des actes. Cependant, des lois inutiles, comme celle qui a été votée mardi et qui réprime l’incitation à l’anorexie (à quand l’incitation à la cholestérolémie?), encombrent le Parlement. Des couacs répétés (ceux qui remettent en cause la politique familiale sont incompréhensibles) révèlent un manque de réflexion. Nicolas Sarkozy, perdu dans les détails, s’éloigne de ses soutiens d’hier. Est-il encore de droite?
L’enjeu lycéen Mêmes les lycéens ont changé. Ils demandent plus de professeurs et une meilleure éducation, quand les enfants gâtés de 1968 remettaient en cause l’autorité des enseignants et leur savoir. La présidente du Medef, Laurence Parisot, ne tarit pas d’éloges sur cette génération: « Je les trouve absolument formidables d’exprimer cette exigence de qualité ». Mardi, les 20.000 lycéens « black-blanc-beur » des cités, venus défiler au cœur de Paris, ont montré l’autre visage de la jeunesse (voir mon blog). Celle-ci ne brûle pas des écoles, elle en réclame. Parmi les banderoles: « Avec plus d’éducation, nos slogans seraient moins cons. »
 Ces élèves méritent d’être entendus. Premiers concernés par leur insertion, ils ont raison de se plaindre d’une École qui ne sait plus transmettre et qui a longtemps considéré les filières techniques et professionnelles comme dévalorisantes, alors que 1,3 million de postes sont à pourvoir. D’ailleurs, les manifestants ont déjà atteint leur but, en faisant envisager à Xavier Darcos, ministre de l’Éducation, un « New Deal du lycée ». Hier, à Paris, le défilé de trop a néanmoins été une aubaine pour les casseurs mêlés à la foule.
Mais ces adolescents sont aussi les produits malléables d’un appareil syndical affilié à la gauche et coresponsable du désastre éducatif. Mardi, comme hier, l’encadrement (Snes, Unef, FO, CGT, SUD, etc.) ne cherchait pas à se dissimuler. Il impose ses mots d’ordre contre la réduction du nombre des enseignants. Ces jeunes, sur qui pèse déjà le prix faramineux des endettements de leurs aînés, comprendront-ils l’urgence d’en finir avec les critères quantitatifs, qui n’ont su améliorer leur sort? Tel est l’enjeu des prochaines semaines.
L’irritation des silencieux Les syndicats projettent des démonstrations de force en mai. Enseignants et lycéens cornaqués rêvent d’une généralisation de leur mouvement. Bernard Thibault (CGT) espère une action unitaire pour entraver la poursuite de la réforme des retraites. Bref, le rituel contestataire veut reprendre le pouvoir de la rue, un an après l’élection de Nicolas Sarkozy. Mais ce pari est risqué. Si l’Élysée avait cru bon, lors des grèves de novembre 2007, de décourager les projets de contre-manifestations, nombreux sont ceux qui ne reconnaissent plus la légitimité de syndicats coupés des gens. Ces jours-ci, un nombre croissant de parents d’élèves s’insurge contre les blocages de lycées. Ne pas mésestimer l’irritation des silencieux.
Chagnon: blâme annulé Les familiers du bloc-notes se souviennent de Louis Chagnon, professeur d’histoire défendu ici. Il a été sanctionné en 2004 par le rectorat pour une « formulation simpliste » sur Mahomet. Le tribunal administratif de Paris vient d’annuler le blâme, en constatant que « la vérité historique des propos n’est pas contestée » et que la provocation n’est pas établie (1). Une victoire pour la laïcité.
 
(1) Voici les termes de l’arrêt rendu par le Tribunal administratif de Paris, qui condamne également l’Etat à verser 1000 euros à Louis Chagnon: » Sur les conclusions à fin d’annulation et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête : Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983: « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale »; que par l’arrêté attaqué du 30 janvier 2004 le recteur de l’académie de Versailles a infligé un blâme à M. Chagnon, professeur certifié d’histoire et géographie en fonction au collège Georges Pompidou de Courbevoie jusqu’au 30 septembre 2003, aux motifs « qu’il est établi que Monsieur Louis Chagnon a dicté à ses élèves de cinquième un cours dont la formulation simpliste était susceptible de heurter la sensibilité de jeunes élèves: que s’il a pu expliquer le fondement historique de ses propos, il n’a pas justifié le fait d’avoir dicté ces propos à une seule classe de cinquième, la rédaction proposée aux deux autres classes étant, elle, acceptable ; que Monsieur Louis Chagnon a de fait adopté une attitude de provocation, ou commis une maladresse, comportement indignes de la part d’un enseignant »: que comme l’énonce l’arrêté attaqué la vérité historique des propos relatés n’est pas contestée : que, par ailleurs, la provocation imputée à M. Chagnon n’est pas établie : que, dès lors, quelle qu’ait pu être la maladresse commise par le requérant, et pour regrettable qu’elle fût, M. Chagnon est fondé à soutenir qu’il n’a pas commis de faute disciplinaire et demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêté attaqué.

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