La France est doublement orpheline : de Jean d’Ormesson, mort mardi ; de Johnny Hallyday, mort mercredi. De Jean à Johnny, une même histoire nationale est en deuil. La célébration par la République de ce souvenir commun serait d’ailleurs, sans doute, une bonne initiative. Au-delà de leurs différences évidentes, les deux hommes avaient en partage une même appartenance à la France, à sa culture, à sa civilisation. L’aristocrate et l’enfant de la balle, tous deux hommes de droite, étaient également les plus brillants rejetons de la société du spectacle et de la télévision. Ces « bêtes de scène » s’étaient d’ailleurs retrouvées sur un itinéraire commun en passant l’un et l’autre par des rôles d’acteurs dans le cinéma. La prestation de « Jean d’O » dans le personnage de François Mitterrand (Les saveurs du palais, 2012) avait été plus qu’honorable. Le paradoxe est de constater que l’académicien, 92 ans, avait subrepticement volé au vieux rocker, 74 ans, son titre d’ « idole des jeunes », tant une partie de la jeune génération avait plaisir à écouter, à travers la conversation pétillante et érudite du disciple de Chateaubriand, les échos du Vieux siècle. Cela a été abondamment dit depuis mardi, mais je le reprends à mon tour : d’Ormesson a été le témoignage de l’esprit français, caractérisé depuis l’Ancien Régime par sa gaieté, son impertinence, son autodérision. L’émoi causé par sa disparition démontre que la France, vieux pays littéraire, n’a pas encore totalement disparu. A ceux qui jugent urgent d’enterrer le vieux monde au profit d’une société post-nationale et post-culturelle, les innombrables Français qui pleurent Jean et Johnny rappellent leur attachement à la France oubliée des technocrates et des experts en nouveau monde.
S’abonner
0 Commentaires
le plus récent