Trop de journalistes français entretiennent avec le pouvoir politique des proximités malsaines, inutiles, dévalorisantes pour la profession. L’indépendance de la presse ne sort pas grandie des connivences et courbettes qui s’observent dans le petit monde politico-médiatique. Celui-ci vient même d’officialiser son concubinage, puisque des ténors rejoignent ces jours-ci des éditorialistes sur des plateaux de radios ou de télévisions ( je vais moi-même connaître ce cas de figure à RTL, où j’interviens à On refait le monde). C’est le cas d’Henri Guaino, Jean-Pierre Raffarin, Julien Dray, Aurélie Filippetti, Gaspard Gantzer, Raquel Garrido, Roselyne Bachelot, etc (lire ici). Jean Messiha, qui représentait le FN, vient d’ailleurs d’être écarté par Europe 1 au prétexte, notamment, qu’il avait qualifié l’islam « d’incompatible avec la République ». C’est bien dommage, car il n’y a aucune raison que le FN ne soit pas, dès lors, représenté tandis que l’est le parti de Jean-Luc Mélenchon. En réalité, il est à craindre que ces personnalités en quête de reconversion n’aggravent la pression du politiquement correct. En effet, elles n’ont jamais brillé, sinon Guaino, par leur résistance au conformisme de la pensée lisse. La nomination, mardi, de Bruno Roger-Petit, journaliste à Challenges, comme porte-parole de l’Elysée, est une autre illustration des liens qui existent entre les pouvoirs médiatique et politique. En juillet, c’est le directeur de la rédaction d’Europe 1, Nicolas Escoulan, qui avait rejoint le cabinet de Benjamin Griveaux, au ministère de l’Economie et des Finances. Ces sortes de « outing » jettent la suspicion sur les informations jusqu’alors diffusées.
Les embrigadements médiatiques en faveur d’Emmanuel Macron confirment ce que fut, durant la campagne présidentielle, la mobilisation de la presse pour l’enfant chéri. Pierre Bergé, actionnaire du Monde, avait félicité publiquement un de ses éditorialistes pour « son remarquable papier qui prédit la victoire de Macron ». Dans un communiqué, la société des journalistes de Challenges, hebdomadaire économique, avait déjà dénoncé « la fréquence des articles de Bruno Roger-Petit et de Maurice Szafran (…) qui annihile totalement la tentative de rééquilibrage », qui avait consisté à embaucher des journalistes « de droite ». La chaîne d’Info LCI avait préféré supprimer de son site le replay d’une émission (Médiasphère) jugée trop critique contre le leader d’En Marche ! A la veille de l’élection, le Syndicat national des journalistes (SNJ) et 34 sociétés de journalistes, dont celles du Figaro, avaient pour leur part multiplié les mises en cause de Marine Le Pen, pour valoriser d’autant le jeune candidat. Pour ma part, je suis convaincu depuis toujours que les médias se fourvoient à vouloir mimer les politiques, au point de devenir parfois leurs obligés. Les filets d’eau tiède que produisent ces alliances pantouflardes n’apportent rien au journalisme. Ce dernier a tout à gagner à consolider sa distance avec un monde politique qui tourne en rond et est attiré par la facilité des idées toutes faites.
Je participerai, jeudi, à L’heure des pros, sur CNews (9h10h), puis à On refait le monde, sur RTL (19h15-20h)
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