« La droite est en faillite idéologique », estime Ségolène Royal (Le Point, 27 mars), qui oublie juste de regarder l’état de son camp. La futilité de l’analyse socialiste sur le « président bling-bling » a pourtant montré le vide dont la gauche semble se satisfaire. Cependant, face aux bouleversements économiques, sociaux, culturels qui s’installent, la majorité donne également l’impression d’improviser au gré de l’actualité. Où sont les idées?
Même les mots font peur. Le gouvernement n’ose dire « rigueur », mais François Fillon annonce « des économies partout » et des efforts pour tous. Cette réserve ne rime à rien, quand le budget de l’État connaît un déficit tel que le financement du revenu de solidarité active semble également compromis. La crainte de dire les choses dissimulerait-elle une impréparation?
De ce point de vue, Christian Estrosi a raison d’accuser l’UMP de conformisme. Son successeur au secrétariat d’État à l’Outre-Mer, Yves Jégo, s’est empressé de refermer le débat entrouvert sur la réforme du droit du sol à Mayotte: « C’est un sujet qui doit être préservé », a dit l’ancien porte-parole du parti majoritaire. L’UMP saura-t-elle redevenir la boîte à idées qui a aidé Nicolas Sarkozy à gagner la présidentielle? Une libération des esprits reste à faire.
Trop d’interdits empêchent de penser la réalité. Tandis qu’une proposition de loi de la gauche veut supprimer le mot « race » de l’article 1 de la Constitution, le discours de Pennsylvanie du candidat à la Maison-Blanche, Barack Obama, restera comme un modèle de lucidité. « La race est une question que notre pays ne peut se permettre d’ignorer », a-t-il expliqué, en se proposant de réduire cette « fracture ». La France, qui connaît un comparable séparatisme, préfère monter en affaire d’État l’insulte aux « ch’tis » proférée par des crétins d’un club de foot.
La politique vit en vase clos. Les think tanks (« réservoirs de pensée »), qui participent ailleurs à la vie intellectuelle, peinent à se faire entendre. L’étude sur le coût de l’immigration (bloc-notes du 21 mars) est tombée dans un puits. C’est la Chambre des lords qui, à Londres, a rendu lundi un rapport contredisant les bienfaits de l’immigration massive: elle rendrait difficile, notamment, l’accès au logement. Imagine-t-on nos parlementaires proférer un tel blasphème?
Affronter la radicalité La droite renoue avec ses faiblesses, quand elle ne sait plus exprimer d’idées neuves pour répondre aux mutations lourdes de la société (paupérisation, déculturation, mondialisation). Le gouvernement confirme le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux en 2009, mais il se garde d’aborder la mise en concurrence du financement des retraites ou de la santé, qui s’imposera par l’ampleur des déficits. La gauche fait pire: elle ne peut toujours pas dire « libre marché » sans s’étouffer de honte.
Ces doutes renforcent les certitudes des mouvements radicaux. Ils se développent sur le rejet du capitalisme mondial et des démocraties occidentales. La récession nord-américaine donne des arguments supplémentaires à Olivier Besancenot et aux altermondialistes, dans leurs critiques du système. Les lycéens dressés aux « rébellions citoyennes », qui consolident ces jours-ci leur mouvement, rêvent de passer aux travaux pratiques.
Dans ce contexte, aggravé par la « désoccidentalisation » du monde (Jacques Sapir, Le Nouveau XXIe siècle, Seuil), s’épanouit une apologie de la terreur qui a ses convertis. Slavoj Zizek tresse des lauriers à Robespierre. Alain Badiou traite Sarkozy d’ »homme aux rats » et veut faire partager son enfermement marxiste. Comme le déplore André Grjebine (La Guerre du doute et de la certitude, Berg international): « On assiste à une inversion de la révolte, celle-ci n’étant plus motivée par la recherche de la liberté mais par son rejet ».
La démocratie sera-t-elle assez forte pour maintenir à la marge ce totalitarisme bourgeonnant, qui se pourlèche de la précarité des démunis et des sans-papiers, ces nouveaux prolétaires? La gauche n’a pas pour l’extrême gauche le rejet qu’a la droite pour l’extrême droite. Quant à la majorité, elle ne semble pas toujours très sûre des valeurs qu’elle doit défendre, y compris face à la Chine oppresseur du Tibet. Cette panne d’idées rend la France vulnérable.
 
Défendre la démocratie Voir, mardi à l’Assemblée, la majorité défendre mollement le choix de Sarkozy d’envoyer « quelques centaines » de soldats supplémentaires en Afghanistan illustre un manque de conviction sur le rôle de la France dans le monde. Sa lutte contre les talibans devrait pourtant être à la hauteur des participations, là-bas, de l’Italie, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne. L’union occidentale est plus cruciale que l’union méditerranéenne, quand ce sont les démocraties qui sont l’enjeu de la guerre mondiale déclarée par le terrorisme islamiste, le 11 septembre 2001. L’Occident s’honorerait, d’ailleurs, en accédant rapidement aux vœux de l’Ukraine et de la Géorgie d’être accueillies dans l’Otan, après avoir rejoint le monde libre. L’attrait de la gauche pour le pacifisme a toujours fait le jeu des totalitarismes. Son anti-atlantisme n’est plus de saison.
La France et Betancourt Tout faire, certes, pour libérer la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt , otage des Farc depuis six ans. Mais c’est du côté du président Alvaro Uribe, et non des terroristes soutenus par le Vénézuélien Hugo Chavez, que la France doit rester. Cela va sans dire?

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