-Ces voix qui pestent contre la pensée bétonnée, la droite les entend-elle ? Cet été, l’UMP a redit vouloir aborder les questions de société. Très bien. Mais il lui va falloir nommer les choses, sans plus se soucier des interdits de la gauche: larguée, celle-ci n’en finit pas de payer ses aveuglements. Est-ce cet exemple que doit suivre Nicolas Sarkozy, quand Jacques Attali le décrit, pour 2012, comme « le seul candidat qui aura été, au moins dans son discours, ouvertement socialiste » (L’Express, 22 juillet) ? Dévisager la France exclut de recourir encore à d’inutiles pudeurs.
L’arrivée annoncée de Philippe de Villiers au comité de liaison de l’UMP n’est certes pas un gage de conformisme : la liberté de ton du président du MPF, qui demande la suppression de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, est une rareté dans ce monde aseptisé. Mais le Vendéen, qui a monnayé son coup de main aux régionales, préservera-t-il son impertinence dans le parti majoritaire ? Ce dernier s’en tient surtout à la vieille recette des bons sentiments. Ceux-là n’ont jamais fait une bonne politique.
Il faut écouter les Affreux : Bernard Debré, quand il parle de la grippe A comme d’une « grippette », ou Marc Gentilini, qui estime que le poids attribué à la pandémie est une « indécence » ; Claude Allègre, qui juge « catastrophique » la taxe carbone « inutile climatiquement, injuste socialement, nuisible économiquement  »; André Gerin, qui trouve « ridicule » le chiffre de 367 burqas comptabilisées en France par l’Intérieur. Ce qu’ils disent a le mérite de laisser passer un peu d’air.
Car la vraie crise est celle des idées confinées. L’uniformité des discours devient une curiosité archéologique. Les constructions idéologiques, qui s’effondrent comme des cartes, servent encore de référence au gouvernement : au nom de l’écologisme, il augmentera le prix de l’essence et du gaz pour le consommateur ; au nom de l’interventionnisme, il lancera un emprunt national à la charge des contribuables. L’État a-t-il jamais quitté l’univers clos des doctrinaires ?
Ce despotisme des certitudes arrêtées, ajouté au court-termisme d’un État-mama qui s’affole des bobos mais ne voit rien des dangers, empêchent de saisir tous les bouleversements que connaît la France. Même la hausse de la natalité continue d’être expliquée, ces jours-ci, comme la conséquence d’une politique familiale, tandis que le bien pensisme assure que l’immigration n’y est pour rien ou presque. Découvrir la France, c’est ne plus mentir sur son état.
Haro sur les banquiers D’ailleurs, le pouvoir sait très bien ôter ses boules Quiès quand il le veut. C’est parce que Nicolas Sarkozy entend l’irritation de l’opinion devant les comportements des financiers flambeurs, justement étrillés par Jean Montaldo (Lettre ouverte aux bandits de la finance, Albin Michel), que le président a encore rabroué les banquiers, mardi. Il a même obtenu d’eux des engagements pour revoir à la baisse les bonus indécents, sans être assuré néanmoins d’être suivi par les autres places européennes et nord-américaines après le G20 de Pittsburgh, en septembre. Mais puisque le chef de l’État sait être sévère avec ceux qu’il accuse, sans risque, d’avoir contribué solidairement à la crise financière, pourquoi ne s’en prendrait-il pas semblablement aux responsables des désastres touchant à l’éducation, à la culture, à la solidarité nationale ? Ces faillites sont autrement plus préoccupantes.
Le communautarisme par exemple : avatar de la diversité et du métissage, il est en train de prendre des proportions qui mériteraient, au moins, une part des inquiétudes que le gouvernement réserve à la seule grippe cochonne. Alors qu’un discours émollient soutient que les musulmans de France se sécularisent, près de 70 % d’entre eux disent jeûner durant le ramadan, qui vient de s’ouvrir. Abdelwahab Meddeb, spécialiste de l’Islam, reconnaît « un retour vers la pratique religieuse ». D’autre part, Coca-Cola a été au centre d’une campagne de boycott l’accusant de financer Israël. Les produits de ce pays font parfois l’objet d’opérations commandos dans des grandes surfaces. Autant de signes épars témoignant d’un repliement, voire d’un raidissement. Faudra-t-il continuer longtemps à feindre de ne rien voir ?
Le PS prêt à l’autocritique ? La pensée bétonnée obscurcit le jugement. Le PS n’arrive d’ailleurs pas à s’en extraire, lui qui s’imagine que son décrochage de la société se résume à une question de leadership qui se réglera par des primaires, voire une alliance avec le MoDem. En réalité, la bulle progressiste a éclaté, partout en Europe, de ses erreurs. Au nom de l’hyperégalitarisme, elle a contribué, en France, à paupériser les classes moyennes, naufrager l’école publique, fragmenter la nation. Ces bilans appartiennent aux socialistes, même si la droite honteuse y a participé. Aussi n’est-ce pas l’homme providentiel qui sauvera une gauche sans idées. Pourquoi ne pas engager, d’abord, des états généraux de l’intelligence, en y abordant l’épreuve de l’autocritique ?
Obama, la déception L’unanimisme des belles âmes ne fait pas une vérité : confirmation avec la chute de popularité de Barack H. Obama, qui passe sous les 50 % d’opinions favorables, six mois après son élection. Cette semaine encore, Nicolas Sarkozy a redit sur le régime iranien d’heureuses vérités que se garde d’émettre le prudent président de la première démocratie du monde. Obama ne marche donc pas sur l’eau. Sait-il au moins nager?

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