Il y a ceux qui ne veulent pas entendre, ceux qui ne veulent
pas voir, ceux qui déforment la réalité, ceux qui insultent les plus lucides…
et tous ceux qui, spectateurs accablés, se demandent quand cessera ce poussif
concubinage politico-médiatique. Au prétexte de faire échec au Front national,
cette union hétéroclite ne cesse de nier
des évidences, au prix d’acrobaties et d’intolérances forcément
contre-productives. Je passe vite sur les Femen, qui ont réussi par leurs
provocations, le 1 er mai du haut d’un balcon place de l’Opéra, à occulter
médiatiquement le discours de Marine Le Pen. On peut penser ce que l’on veut
des solutions qu’elle propose. Pour autant, son diagnostic sociétal, que trois
femmes aux seins nus et faisant le salut nazi ont cherché à rendre
scandaleux,  est souvent exact. Comme est
parfaitement fondé le constat, contesté bruyamment par les adeptes du trompe
l’œil, fait par Christian Estrosi, tête
de liste UMP pour la région Paca, le 26 avril sur FR3 : « La
civilisation judéo-chrétienne dont nous sommes les héritiers est menacée (…)
L’immense majorité des musulmans de France se sentent menacés par ce que
j’appelle l’islamo-fascisme. Celui-ci est présent en Irak, en Syrie mais aussi
en France, à travers les cinquièmes colonnes (…) ». Quand Manuel Valls
parle d’ « ennemis intérieurs » et d’ « islamo-fascisme », quand François Hollande mobilise 10.000 soldats pour assurer la sécurité
intérieure de la nation, il n’est pas abusif de parler aussi, en effet,  de cinquième colonne, c’est-à-dire
de forces hostiles dissimulées dans la société et oeuvrant à sa déstabilisation, voire à
son remplacement. Il est à espérer que l’UMP empesée, concurrencée par un FN incisif,
généralisera enfin cette élémentaire clarté des mots.
Lire, dans L’Obs de cette semaine, l’entretien avec
l’historien et démographe Emmanuel Todd, permet aussi de toucher du doigt un
autre procédé utilisé par les dénégationnistes. Il consiste, sous couvert d’expertise, à triturer les faits pour qu’ils entrent
dans des équations. Revenant sur la grande manifestation du 11 janvier qu’il
juge être « une imposture », Todd y a vu quatre millions de personnes
rassemblées « pour dire  que
caricaturer la religion des autres est un droit absolu – et même un
devoir ! – » alors que « ces autres sont les gens les plus faibles de
la société ». Pas un instant, cet intellectuel, qui visiblement ne lève pas souvent le nez de ses cartes et de ses statistiques, n’envisage que ces citoyens
effarés soient descendus dans les rues pour refuser plus simplement l’intimidation du terrorisme
islamique, qui venait de faire des carnages à Charlie Hebdo et à l’Hyper
Cacher. « Il y a certainement une
quantité innombrable de gens qui ne savaient pas ce qu’ils faisaient là le 11
janvier », va jusqu’à assurer l’idéologue de l’ « accommodement » avec
l’islam, dont la dialectique l’amène à mépriser cette France trop homogène, trop prévisible, trop vieille, trop chrétienne, trop blanche, trop sotte. Ce savant à chapeau pointu dit
encore : « On entend vraiment dire n’importe quoi au sujet des musulmans de
France (…) Ils sont souvent beaucoup plus assimilés de par leurs unions
matrimoniales que les intellectuels néoréactionnaires comme Eric Zemmour ou
Alain Finkielkraut, qui les ciblent souvent ». Lire Todd, son autosatisfaction et ses certitudes doctrinaires, lui qui passe rapidement sur l’antisémitisme des banlieues qualifié
seulement de « fait nouveau et indiscutable », me fait souvenir de Jean Cocteau : « A force d’aller au fond des choses, on risque d’y
rester ». Et à force d’obscurcir les réalités, elles surgissent plus
violemment encore.

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