Les médias horripilent la majorité parlementaire. Elle se plaint, depuis lundi, de leurs critiques visant à « détruire » le chef de l’État. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, a ouvert le feu en décrivant un « monde politico-médiatique » déchaîné contre Frédéric Mitterrand puis Jean Sarkozy. Les pétitionnaires (Dominique de Villepin et François Bayrou en tête) qui assuraient hier que Nicolas Sarkozy était une menace pour l’indépendance de la presse et le pluralisme de l’information se voient contredits par les faits. Leur faux procès faisait partie du pilonnage.
Car la curée antisarkozyste est évidemment une réalité. Elle a été systématisée par la presse de gauche au début de cette année (bloc-notes du 6 février). Son militantisme, qui n’a jamais cessé depuis, a rendu inaudibles les élus eux-mêmes : incapables d’idées neuves, ces derniers n’existent plus que dans la sous-traitance médiatique. Il est loisible de déplorer, avec Lefebvre, qu’une partie de la presse se substitue à « une opposition qui ne fait plus son travail ». L’esprit de meute habite plus que jamais le journalisme de parti pris.
Mais ce militantisme n’est pas nouveau. C’est faire injure au discernement des Français de les croire perméables au matraquage d’une corporation suiviste qui a toujours majoritairement décrié la droite. Sarkozy a été élu malgré l’hystérie des lyncheurs, qui l’avaient même déclaré fou. Quand les médias soulignent le divorce entre le monde politique et le peuple, ils oublient qu’eux-mêmes sont victimes de cette méfiance. Le succès d’Internet comme mode d’expression est là pour le leur rappeler.
Aussi cette irritation de la majorité, reprise mardi par le coup de sang présidentiel contre les « commentateurs », dit autre chose sur la vulnérabilité de la droite. Sans doute se rassure-t-elle, à défaut de convaincre, en s’en prenant à un bouc émissaire. Mais ce n’est pas la réponse qu’attendent les Français. Certes, les électeurs des Yvelines viennent d’élire, avec 52,10 % des voix, David Douillet député UMP. Cependant, avec une participation de 33,7 % c’est aussi une démobilisation qui se confirme. Ce malaise, il serait vain d’en rendre les médias responsables.
Parti godillot ? En accusant « presque tous » les médias de turpitudes, l’UMP, le gouvernement et le président se comportent comme s’ils ne voulaient pas s’interroger sur la réalité d’un sentiment collectif d’abandon: souvent décrit ici, il parcourt une opinion désabusée qui s’éloigne de la politique. L’inconsistance de la gauche, dont l’antisarkozysme primaire lui fait rejeter ces jours-ci l’utile réforme des collectivités territoriales, ne peut suffire à persuader la majorité de l’injustice des attaques subies. Force est de constater que la chasse à l’homme contre Frédéric Mitterrand a été attisée par une réelle émotion populaire, efficacement relayée par Internet et ses outrances anonymes. Quant aux critiques suscitées par la candidature de Jean Sarkozy à la présidence de l’Établissement public de la Défense (Epad), elles ont été aussi celles d’électeurs de droite qui ont pu y voir l’erreur d’un pouvoir mal inspiré.
Il est aisé de reprocher des tas de choses aux journalistes, et notamment de ne pas se faire suffisamment l’écho de ce que vivent et disent les gens. Mais la majorité aurait tort de voir dans les dernières tensions le déchaînement systématique d’une presse forcément partiale et haineuse. Ce sont, au contraire, des médias davantage proches des réactions des citoyens qui se sont souvent exprimés. Aussi, le choix de les décrédibiliser manque cette fois d’arguments. À son tour, la majorité devrait prendre garde à ne pas se laisser caricaturer comme un parti godillot et renfermé sur lui-même. En se raidissant à l’unisson, elle offre à l’opposition la démonstration qu’elle attend quand elle dénonce une UMP aux ordres d’un hyperprésident
.Recherche d’harmonie Le pouvoir ne se montrerait pas si susceptible s’il se savait en harmonie avec son électorat. Or, l’élection du populaire David Douillet, dimanche, n’est par une démonstration suffisamment probante quand sa victoire s’accompagne d’une telle abstention. Il reste à la droite à reconquérir les désabusés qui ne voient dans les réformes (dernièrement, celle du lycée) ou les mesures (mercredi, l’expulsion de trois Afghans clandestins) que des réponses en demi-teinte. D’autant que les trois semaines du procès Clearstream n’ont rien fait pour rehausser la politique, prise ici au piège de sa médiocrité.
Le volontarisme de Sarkozy reste bien sûr un atout. Il a habilement manœuvré durant la crise financière et Barack Obama devrait s’inspirer de sa fermeté face à la dictature iranienne. Mais le chef de l’État gagnerait aussi à relire ses discours qui le firent élire et qu’il semble vouloir oublier. Ainsi celui sur l’identité française, thême sur lequel Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée, vient de lancer une OPA en reconnaissant que « la France se fissure en silence » (voir mon blog ). Les sujets ne manquent pas pour remobiliser la droite. Horripilerait-elle aussi la majorité ?
Sur la tête La gauche estime criminel d’avoir renvoyé ces jeunes trois Afghans clandestins dans Kaboul sécurisé et dans un pays où des militaires occidentaux se battent pour leur assurer la liberté. Arnaud Montebourg a même estimé, hier, que la France devrait accueillir tous les réfugiés car elle peut encore « assimiler des populations très diverses ». Nous voilà prévenus : le PS marche toujours sur la tête.

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