L’insurrection civique ? C’est aux Etats-Unis qu’elle prend politiquement forme, tandis qu’elle balbutie encore en Europe. Au-delà de ses clowneries et de ses propos outranciers, Donald Trump, candidat à l’investiture des Républicains, est le révélateur de ce mouvement de fond, qu’illustre aussi, dans une moindre mesure, Bernie Sanders pour les Démocrates. Les primaires, qui s’ouvrent ce lundi dans Iowa, diront si l’Amérique profonde persistera à s’identifier à ce milliardaire aux cheveux roux, qui jubile dans la provocation et emporte les foules. Les élites déconnectées des gens et la tyrannie du politiquement correct sont ses deux sujets d’attaques. Il est vrai que deux mandats de Barack Obama ont aggravé ces maux. Néanmoins, vues de France, j’avoue trouver les prestations de Trump grossières et affligeantes. Mon célèbre confrère américain, Daniel Pipes, lui-même Républicain et néoconservateur, me l’a décrit dernièrement comme étant un « fasciste ». Pour ma part, je vois surtout chez lui un démagogue, qui caricature ce qu’est pour moi le populisme, c’est-à-dire l’attention portée aux citoyens injustement oubliés par la démocratie représentative. Pour autant, reste ce climat insurrectionnel, qui pourrait porter Trump à la tête des Républicains, sinon à la Maison Blanche. Cette colère du Tea Party ne peut être sous-estimée parce qu’elle choquerait la bienséance. Si le remède Trump peut paraître contestable, à moins qu’il ne sorte enfin de ses trop faciles invectives, la maladie demeure. Or elle est aussi devenue très familière aux Français. Un semblable rejet de la classe politique traditionnelle existe en France. Le retour de balancier, qui s’observe si spectaculairement aux Etats-Unis, se profile aussi chez nous avec l’amplification de la révolution conservatrice. Cependant, l’erreur serait désormais de déconsidérer ce mouvement de fond, en prétextant l’exemple navrant de Trump. Il revient à la France de proposer une autre voie. Il est malheureusement peu probable qu’un candidat de la société civile fasse trembler le Système d’ici 2017. Le délai est trop court pour envisager, si vite, la construction d’un souhaitable programme alternatif, tournant le dos à quarante ans d’erreurs partagées entre la droite et la gauche. Le scénario qui s’annonce pour la présidentielle sera, sauf surprise, celui d’un affrontement entre les vieux salariés de la politique, gardiens d’un monde qui ne sait plus parler aux gens. François Fillon l’a d’ailleurs bien compris, puisqu’il a décidé d’enrôler la société civile à ses côtés pour défendre son projet. Cette association entre les citoyens et les professionnels de la politique, jusque dans l’élaboration du programme du candidat, est une piste qui devrait être approfondie. Car si rien ne bouge dans cet univers immobile, les politiques en sursis en paieront forcément le prix. La société américaine n’a que quelques longueurs d’avance sur la société française. Je participerai, mardi, à On refait le monde, sur RTL (19h15-20h)
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